Samuel Durant

(1580-1626)

Une petite biographie

Nous connaissons assez mal vie de Samuel Durant, car les documents le concernant sont rares [1]. Nous ignorons même sa date et son lieu de naissance. Samuel est le fils aîné de Jean Durant († 1593), conseiller du roi et trésorier général des bâtiments de France [2], et de Madeleine Couët du Vivier (1550- ?). Le mariage de ses parents ayant eu lieu en 1579 [3], on estime en général que Samuel est né vers 1580. Il a trois frères : Ezéchiel [4], Daniel [5] et Jean [6].

Samuel se destine d’abord à une carrière militaire, mais il y renonce plus tard pour embrasser la théologie [7].

Il est aumônier d’un landgrave de Hesse [8], puis il passe plusieurs années dans la petite cour allemande des Deux-Ponts (Zweibrücken), où son frère Jean travaille comme secrétaire. Le duc Jean 1er de Deux-Ponts [9] (1550-1604) lui confie l’éducation de deux de ses fils ; le jeune précepteur amène ses élèves en France en été 1601 et de nouveau en été 1602. Ils y sont reçus par Philippe Duplessis-Mornay (1549-1623). Durant collabore aux fiançailles du futur duc Jean II de Deux-Ponts avec Catherine de Rohan (1578-1607). Le mariage a lieu en septembre 1604, peu de temps après la mort de Jean 1er. La nouvelle duchesse garde Durant comme aumônier [10]. Par ailleurs, Durant est très proche de la sœur de Catherine, la poétesse Anne de Rohan (1584-1646) [11].

En 1607 [12], peu de temps après la mort de Catherine de Rohan [13], Durant est appelé à devenir l’un des ministres de l’église réformée de Paris, qui se réunit à Charenton. Ses collègues sont François de Loberan de Montigny († 1619), Antoine de la Faye († 1609), Pierre Du Moulin (1568-1658) et son oncle Jacques Couët du Vivier (1546-1608) [14].

Durant, qui a dans sa famille des catholiques et des protestants ouverts, est moins fermé aux idées de réconciliation avec Rome que la plupart de ses collègues. Lorsque un certain Marsan publie, en mars 1609, La tradition catholique, un ouvrage en faveur de la réunion des Eglises, cette thèse est « défendue et censurée à Charenton par les ministres, hormis de M. Durant » [15].

Il n’empêche, Durant devient rapidement un pasteur influent. Il représente la province de l’Ile-de-France au Synode national de Saint-Maixent (mai 1609) et à l’Assemblée politique de Saumur (1611).

En 1612, le Synode national de Privas le charge, conjointement avec d’autres pointures huguenotes [16], de travailler au rétablissement de la bonne harmonie entre les grands seigneurs du parti huguenot.

Durant représente encore la province de l’Ile-de-France à l’Assemblée politique de Grenoble (1615) qui le choisit pour vice-président.

L’Eglise réformée de France est alors troublée par un débat sur la doctrine de la prédestination. Lorsque Pierre Du Moulin, qui est un représentant de l’orthodoxie calviniste la plus pure, publié un écrit anti-arminien intitulé Anatome arminianismi, sans consulter ses collègues, comme le prescrit la Discipline, Durant et plusieurs autres pasteurs de Charenton tentent de s’opposer à la parution du livre et portent l’affaire devant le synode provincial de Charenton en 1618, en réclamant un rappel à la Discipline. Bien que Du Moulin soit le modérateur du synode, l’interdiction de publier sans l’accord de ses collègues est confirmée et le jugement est lu par le modérateur adjoint [17].

En 1619, le jeune Samuel Desmarets (1599-1673) est placé auprès de Durant pour être formé à la prédication.

En juin 1621, son frère Daniel meurt en défendant Saint-Jean-d’Angély, qui est assiégée par l’armée royale. Samuel est profondément affecté par cette mort et par ses circonstances.

En septembre 1623, Durant participe au Synode de Charenton dont il est élu modérateur.

En 1624, il semble y avoir eu une « conférence » entre Durant et jésuite François Véron (1575-1649), prédicateur du roi et docteur en théologie [18].

En 1625, Durant préside encore le synode provincial qui se tient à Charenton.

Il tombe malade peu de temps après ce synode. Louis Arnauld dit « Arnauld le péteux », mentionné dans Les historiettes de Tallemant des Réaux, et ses sœurs s’occupent du malade [19]. Durant meurt en 1626 [20] .

Nous ignorons si Durant s’est jamais marié et s’il a eu des enfants.

Son successeur comme ministre de l’Eglise de Charenton est Jean Daillé (1594-1670).

Durant a assez peu publié de son vivant [21]. Nous avons de lui les ouvrages suivants [22] :

Après sa mort, son cousin [24] et héritier Frédéric Spanheim a fait publier d’autres livres à Genève. Nous sommes en possession des ouvrages posthumes suivants :

Plusieurs recueils contiennent des textes de Durant, comme par exemple :

Sources principales

Annotations

[1] Jacques Pannier, L’Eglise Réformée de Paris sous Henri IV, Librairie Ancienne Honoré Champion, Paris, 1911, p. 489s : «  Les documents sur la vie de S. Durant sont assez rares : il a fait imprimer beaucoup moins d’ouvrages et d’écrit beaucoup moins de lettres que ses prolixes collègues Du Moulin, Daillé et autres. … Sur des hommes qui s’acquittent paisiblement de leur ministère, comme S. Durant, on sait beaucoup moins de choses que sur un brouillon ambitieux comme [Jérémie] Ferrier. »

[2] Pannier, op.cit., p. 483s : « … on a supposé qu’il avait exercé la profession d’architecte et d’ingénieur hydraulicien ». Pannier signale également que Jean Durant était le cousin de Charles Perrot (1541-1608), pasteur à Genève.

[3] Madeleine est alors la veuve d’Edmond de Saint-Rémy († 1572), une des victimes de la Saint-Barthélémy.

[4] Colonel au service de Venise, puis général au Danemark, il est mort en 1631 dans son domaine d’Azola près de Venise. Spanheim lui a dédié le volume des prédications sur Esaïe 53 publié en 1628.

[5] « Monsieur de Hautefontaine » avait été gouverneur d’Henri de Rohan et avait effectué plusieurs missions de confiance pour le duc. On trouve quelques détails sur sa vie dans les Historiettes de Tallemant des Réaux, chapitre  CLXIII, « Haute-Fontaine ».

[6] Conseiller du prince palatin de Deux-Ponts, qui épousa à Metz Mlle N. Chardot. Pannier, op.cit., p. 615, situe ce mariage en 1595, mais cela paraît douteux, vu que le marié aurait alors eu moins de quinze ans.

[7] Son frère cadet Daniel fait le cheminement inverse. Tallemant des Réaux raconte l’anecdote suivante : « Haute- Fontaine était fils d’un bourgeois de Paris, huguenot, nommé Durant, qui s’était retiré à Genève à cause de la persécution. Il avait un frère aîné qui, au commencement, avait grande inclination aux armes ; mais depuis, ayant embrassé les lettres, il fut ministre à Paris. Celui-ci, au contraire, qui durant son jeune âge n’était porté qu’aux lettres, les quitta pour les armes. Il savait, il était hardi et avait l’esprit agréable et plaisant. On en compte trois ou quatre choses qui le feront voir. Etant à Leyde, encore assez jeune, il disputa une chaire de philosophie qui était vacante, contre M. Du Moulin, un de nos plus célèbres ministres ; mais Du Moulin l’emporta. Haute-Fontaine en eut un tel dépit,, que, l’ayant trouvé un jour seul en quelque lieu à l’écart, il lui donna cent coups de poing, et lui égratigna tout le visage. Puis il afficha ce placard à l’auditoire : Petrus Molinaeus hodie non leget, quia rem habet cum hospita [Pierre Du Moulin ne donne pas de cours aujourd’hui, car il a commerce avec sa logeuse.]. Du Moulin, averti de cela, fut bien empêché ; car de n’aller point dicter c’était autoriser cette médisance, et d’y aller ainsi égratigné, c’était s’exposer à la risée de tous ses écoliers. Enfin il s’avisa d’envoyer querir un peintre qui mit de la peinture couleur de chair sur les endroits où il était égratigné. »

[8] Il s’agit sans doute de Maurice de Hesse-Cassel (1572-1632).

[9] Pannier, op.cit., p. 487 parle du « duc de Bavière Jean ». Nous n’avons pas pu identifier un tel duc. Le duc de Bavière de l’époque était le très catholique Maximilien Ier (1573-1651). Il avait en effet deux fils, Ferdinand-Marie et Maximilien-Philippe, mais tous les deux sont nés bien après la mort de Durant. Vraisemblablement, il s’agit plutôt du duc Jean Ier de Deux-Ponts (1550-1604) qui avait des fils nés en 1584 (Jean), 1585 (Frédéric-Casimir) et 1589 (Jean-Casimir). Cela expliquerait aussi pourquoi Pannier parle de « comtes paladins » dans sa note 2.

[10] Les frères Haag en font le ministre de la sœur d’Henri IV, c’est-à-dire Catherine de Bourbon (1559-1604). Nous pensons qu’il s’agit là d’une confusion avec Catherine de Rohan.

[11] Spanheim lui dédiera le volume posthume de prédications de Durant concernant L’histoire de la tentation de notre Seigneur Jésus-Christ. Pannier, op.cit., p. 488, rapporte les paroles avec lesquelles Madame des Loges a annoncé la mort de Durant à Anne de Rohan : « Notre très excellent pasteur était utile à tout le troupeau, mais à vous, Mademoiselle, entièrement nécessaire … ».

[12] Emile Kappler, Les conférences théologiques entre catholiques et protestants en France au XVIIe siècle, Honoré Champion, Paris, 2011, p. 902, situe le début du ministère de Durant à Paris en 1600,  mais cette date est sans doute erronée.  Pannier, op.cit., p. 483, écrit : « Puisqu’en mai 1607 le Consistoire de Paris espérait encore obtenir [Jérémie] Ferrier, c’est vers le milieu de 1607 qu’il faut placer l’appel adressé ensuite à Samuel Durant, neveu du pasteur Couët dont la recommandation dut avoir un grand poids auprès du Consistoire. »

[13] Catherine de Rohan est décédée en mai 1607.

[14] On peut penser qu’il y est pour quelque chose dans la nomination de son neveu.

[15] Pannier, op.cit., p. 503, citant le Journal de Pierre de L’Estoile.

[16] A savoir Pierre Du Moulin, Jacques de Jaucourt († 1637), Théophile Brachet de La Milletière (1596-1665), Chènevert [peut-être s’agit-il du militaire Moïse Morin, qui porte ce surnom] et de M. de l’Isle-Groslot, ancien de l’Eglise d’Orleans.

[17] David Blondel, Actes authentiques des Eglises réformées de France …,  Amsterdam, 1655 p.14 : « Dès lors que la convocation du Synode de Dordrecht, résolue par les Etats Généraux, fît notifiée par leur ordre, chacun dans le Pays-Bas crut que le jugement des cinq articles contestés contre les Remontrants lui devoir être réservé, que personne ne devrait se donner la licence de l’anticiper, et les Français, notamment ceux de Paris, étaient dans le même sentiment. Voila pourquoi François de Loberan, sieur de Montigny, Samuel Durand et Jean Mestrezat, pasteurs de l’Eglise Protestante qui y est recueillie, ayant découvert, par les dires mêmes d’Abraham Pacart, libraire, que Pierre Du Moulin, leur collègue avait mis entre les mains, pour la faire imprimer, son Anatome, où, prévenant le jugement du Synode qui devait s’assembler sur la fin de l’année, il prenait à partie, outre les Remontrants, les Supralapsaires et tous ceux qui tiennent que le décret de la providence de Dieu s’étend jusques au moindres événements, et que la publication de ce livre pourrait être suivie de quelque inconvénient, tâchèrent en vain d’arrêter la presse, et, ne pouvant pas réussir en leur dessin, portèrent le Consistoire à demander que le Synode de la province, assemblé dans Charenton, interdit à tous, pasteurs et autres, de son corps, de rien publier sans approbation de leurs frères, selon. le règlement exprès de la Discipline, ce qui fût prononcé le vendredi quatrième de mai 1618 par Isaac de Juigné, pasteur de l’Eglise recueillie à Vassy, adjoint au modérateur, qui était le même Pierre Du Moulin, six mois et dix jours devant la première séance du Synode de Dordrecht, et onze mois et vingt-cinq jours avant que sa confession y fût lue. » Nous devons ces éléments et la référence à Blondel à Christine Ronchail, La dévotion à Charenton au XVIIe siècle : Du Moulin, Drelincourt, Claude, 2004, Institut Protestant de Théologie, Faculté de Théologie de Montpellier, p. 19. (NB : Une partie de son travail a été publié sous le titre « De l’esprit de Dordrecht aux prémisses des Lumières : L’évolution de la pensée chez trois pasteurs de Charenton dans leurs ouvrages de dévotion », in : Monique Vénuat et Christian Jérémie (éditeurs), L’éloquence ecclésiastique de la pré-Réforme aux Lumières, Honoré Champion, Paris, 2015, p. 487 à 505.)

[18] Voir Emile Kappler, op.cit., conférence 102 (p. 645ss). Durant semble avoir coupé court aux arguments spécieux du jésuite en sortant un dictionnaire de grec.

[19] Cela ressort de l’épître dédicatoire de Frédéric Spanheim qui introduit le volume des Sept sermons de Durant.

[20] Au  Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français (1852-1865) Vol. 5, No. 1/3, pp. 31-33, on trouve des stances composées à l’occasion de la mort du pasteur.

[21] Pannier, op.cit., p. 489 rapporte le fait que Durant aurait avoué son « inclination à ne pas beaucoup écrire ».

[22] Pannier, op.cit., p. 207, suggère que la version protestante (anticatholique) de la chanson « Le légat de la vache à Colas » pourrait aussi être une création de Durant. Par ailleurs, comme le signale le même Pannier, op.cit., p. 490s, note 3, la Bibliothèque du Protestantisme Français possède une version de la Discipline de l’Eglise réformée de Paris écrite à la main par Durant (« ms 59 »).

[23] Signalé par Pannier, op.cit., p. 489.

[24] Bayle a, dans son article sur Spanheim, la note suivante : « … je ne saurais bien spécifier cette parenté, car le latin de mon auteur est équivoque, Humanissime a Samuele Durantio suo cognato suo (erat enim Durantii mater soror aviae parentis ejus) exceptus est … L’équivoque se trouve dans la parenthèse ; on ne sait si parens se prend là pour le père ou pour la mère. D’ailleurs chaque homme ayant deux aïeules, il faudrait parcourir bien des familles pour l’aïeule de notre Spanheim, sœur de la mère de Durant. Ce qu’il y eut de bon, c’est que Durant laissa toute sa bibliothèque à notre Frideric Spanheim. »

[25] Françoise Chevalier, Prêcher sous l’édit de Nantes: la prédication réformée au XVIIe siècle en France, Labor et Fides, 1994, p. 161, dit de ce livre qu’il compte « parmi les ouvrages [de préparation à la mort] les plus diffusés au XVIIe siècle ». Cette assertion nous semble douteuse, car le livre n’existe pas chez les bouquinistes, ce qui indique une diffusion assez restreinte. L’ouvrage est également mentionné par Christine Ronchail op.cit., p. 95. Signalons que l’article de Marianne Carbonnier-Burkard, « Les manuels réformés de préparation à la mort », Revue de l’histoire des religions, 217, (2000), pp. 363-380, ne mentionne pas cet ouvrage. Quoi qu’il en soit, on peut supposer qu’il s’agit du même livre le Tractatus de consolatione afflictorum que, selon les frères Haag, le bibliographe Jöcher attribuait à Durant.

 

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