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1 Pauvre homme dont la force est la force d’un verre,
2 Vieillard faible et tremblant, à toi-même ennuyeux (†),
3 A qui tant d’ennemis font ensemble la guerre –
4 Ne veux-tu point songer à quitter ces bas-lieux ?
5 Ne sens-tu point la mort qui te suit, qui te serre ?
6 As-tu perdu l’esprit ? Et ton cœur vicieux,
7 Endurci par les ans, et tenant à la terre,
8 N’a-t-il ni mouvement, ni chaleur pour les cieux ?
9 Vois ces monts sourcilleux, dont les cimes chenues (§)
10 Portent leur front de neige à la hauteur des nues,
11 Et dont le sein répand un déluge de feux.
12 Ainsi, pour t’élever à la gloire éternelle,
13 La neige sur le poil, le cœur brûlant de vœux,
14 Corrige ta froideur, par le feu de ton zèle.
(†) déplaisant
(§) chenu : qui est tout blanc de vieillesse. En style poétique, on le dit des montagnes couvertes de neige.
Annotations de Drelincourt :
Ligne 1 : « C’est un pot cassé », et « la vieillesse est une couronne d’orties », disent les Juifs.
Ligne 12 : Ce sont les trois montagnes d’Islande : Helga, Hécla et la Croix.
Ligne 13 : « La montagne est devenue neige », disent les rabbins, en parlant d’une tête blanche. « Que ta vieillesse blanchisse des cheveux blancs de la sagesse et des bonnes œuvres, et qu’il ne s’y trouve aucune noirceur de péché. » (Saint Augustin). « La vieillesse a assez d’autres laideurs, n’y ajoute point celle du vice. » (Caton)
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