Sermons sur le Catéchisme des Eglises réformées
Quand on s’intéresse aux prédications des pasteurs de Charenton, on découvre un certain nombre de sermons sur les différents sections du Catéchisme de Genève (1545), qui remonte à Jean Calvin. Bien que ce Catéchisme ait été rapidement supplanté par celui de Heidelberg (1563), les pasteurs réformés de Paris du XVIIe siècle prêchaient de temps en temps sur ces leçons du Catéchisme genevois. Il nous a semblé intéressant de réunir ces sermons et de les présenter ensemble avec les passages du Catéchisme :
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Section I
La fin de notre vie
- Le Ministre : Quelle est la principale fin de la vie humaine ?
L’Enfant : C’est de connaître Dieu.
- M : Pourquoi dis-tu cela ?
E : Parce qu’il nous a créés et mis au monde pour être glorifié en nous. Et c’est bien raison que nous rapportions notre vie à sa gloire puisqu’il en est le commencement.
Le souverain bien des hommes
- M : Et quel est le souverain bien des hommes ?
E : Cela même.
- M : Pourquoi l’appelles-tu le souverain bien ?
E : Parce que sans cela notre condition est plus malheureuse que celle des bêtes brutes.
- M : Par cela donc nous voyons qu’il n’y a nul si grand malheur que de ne vivre pas selon Dieu.
E : Voire.
- M : Mais quelle est la vraie et droite connaissance de Dieu ?
E : Quand on le connaît afin de l’honorer.
La manière de bien honorer Dieu gît en quatre points
- M : Quelle est la manière de le bien honorer ?
E : C’est que nous ayons toute notre fiance en lui, que nous le servions en obéissant à sa volonté, que nous le requérions en toutes nos nécessités, cherchant en lui le salut et tous biens, et que nous reconnaissions, tant de coeur que de bouche, que tout bien procède de lui seul.
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Section II
Le premier point pour honorer Dieu est se fier en lui
- M : Or afin que ces choses soient déduites par ordre et exposées plus au long, quel est le premier point ?
E : C’est d’avoir notre fiance en Dieu.
- M : Comment cela se peut-il faire ?
E : C’est premièrement de le connaître tout-puissant et tout bon.
- M : Suffit-il de cela ?
E : Non.
- M : La raison ?
E : Parce que nous ne sommes pas dignes qu’il démontre sa puissance pour nous aider, ni qu’il use de sa bonté envers nous
- M : Que faut-il donc plus ?
E : Que nous soyons certains qu’il nous aime et nous veut être Père et Sauveur.
- M : Comment connaissons-nous cela ?
E : Par sa Parole, où il nous déclare sa miséricorde en Jésus-Christ, et nous assure de sa dilection envers nous.
Fondement pour avoir confiance en Dieu
- M : Le fondement donc d’avoir vraie fiance en Dieu, c’est de le connaître en Jésus-Christ (Jean 17.3).
E : Voire.
- M : Mais quelle est en somme la substance de cette connaissance ?
E : Elle est comprise en la confession de foi, que font tous chrétiens, laquelle on appelle communément le Symbole des Apôtres, parce que c’est un sommaire de la vraie créance qu’on a toujours tenue en la Chrétienté, et aussi qui est tirée de la pure doctrine apostolique.
Le Symbole des Apôtres
- M : Récite ce qui est dit.
E : « Je crois en Dieu le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre ; et en Jésus-Christ son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit ; né de la Vierge Marie ; a souffert sous Ponce Pilate ; a été crucifié ; mort et enseveli ; est descendu aux enfers. Le tiers jour est ressuscité des morts ; il est monté aux cieux ; est assis à la dextre de Dieu tout-puissant ; de là viendra juger les vifs et les morts. Je crois au Saint-Esprit ; je crois la sainte Église catholique ; la communion des saints ; la rémission des péchés ; la résurrection de la chair ; la vie éternelle. »
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Section III
- M : Pour bien expliquer cette confession par le menu, en combien de parties la diviserons-nous ?
E : En quatre principales.
Quatre parties
- M : Quelles ?
E : La première sera de Dieu le Père ; la seconde de son Fils Jésus-Christ, en laquelle est récitée toute l’histoire de notre rédemption ; la troisième du Saint-Esprit ; la quatrième de l’Église et des grâces de Dieu envers icelle.
De la Trinité
- M : Vu qu’il n’y a qu’un Dieu, qui te meut de réciter le Père, le Fils et le Saint-Esprit, qui sont trois ?
E : Parce, qu’en une seule essence divine, nous avons à considérer le Père, comme le commencement et origine, ou la cause première de toutes choses ; puis après son Fils, qui est la sagesse éternelle ; le Saint-Esprit, qui est sa vertu et puissance, laquelle est épandue sur toutes créatures, et néanmoins réside toujours en lui.
- M : Par cela tu veux dire qu’il n’y a nul inconvénient qu’en une même Divinité nous comprenions distinctement ces trois personnes, et que Dieu n’est pourtant pas divisé.
E : Il est ainsi.
La première partie
- M : Récite maintenant la première partie.
E : « Je crois en Dieu le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre ».
Père
- M : Pourquoi le nommes-tu Père ?
E : C’est au regard de Jésus-Christ, qui est la Parole éternelle, engendrée de lui devant les siècles ; puis étant manifesté au monde, a été approuvé et déclaré être son Fils. Mais, en tant que Dieu est Père de Jésus-Christ, de là s’ensuit qu’il est aussi le nôtre.
Qu’emporte la puissance de Dieu
- M : Comment entends-tu qu’il est tout-puissant ?
E : Ce n’est pas seulement à dire qu’il ait le pouvoir, ne l’exerçant plus, mais qu’il a toutes créatures en sa main et sujétion, qu’il dispose toutes choses par sa providence, gouverne le monde par sa volonté, et conduit tout ce qui se fait selon que bon lui semble.
La puissance de Dieu n’est pas oisive
- M : Ainsi selon ton dire, la puissance de Dieu n’est pas oisive, mais emporte davantage ; à savoir qu’il a toujours la main à la besogne, et que rien ne se fait, sinon par lui, ou avec son congé et son ordonnance.
E : Il est ainsi.
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Section IV
Miroir pour contempler Dieu
- M : Pourquoi ajoutes-tu qu’il est « Créateur du ciel et de la terre » ?
E : Parce qu’il s’est manifesté à nous par ses oeuvres, il faut qu’en icelles nous le cherchions (Psaumes 104 ; Romains 1.20). Car notre entendement n’est pas capable de comprendre son essence. Mais le monde nous est comme un miroir, auquel nous le pouvons contempler selon qu’il nous est expédient de le connaître.
- M : Par le ciel et la terre n’entends-tu pas le résidu des créatures ?
E : Si fait, mais elles sont comprises sous ces deux mots, à cause qu’elles sont toutes célestes ou terriennes.
De la providence de Dieu
- M : Et pourquoi appelles-tu Dieu seulement Créateur, vu qu’entretenir et conserver toujours les créatures en leur état est beaucoup plus que les avoir une fois créées ?
E : Aussi par cela n’est-il pas seulement signifié qu’if ait pour un coup mis ses oeuvres en nature, afin de les délaisser puis après sans s’en soucier plus. Mais faut entendre que, comme le monde a été fait par lui au commencement, aussi que maintenant il l’entretient en son état, tellement que le ciel, la terre, et toutes créatures ne consistent en leur être sinon par sa vertu. Davantage, puisqu’il tient ainsi toutes choses en sa main, il s’ensuit qu’il en a le gouvernement et maîtrise. Par quoi en tant qu’il est Créateur du ciel et de la terre, c’est lui qui conduit par sa bonté, vertu et sagesse, tout l’ordre de nature, envoie la pluie et la sécheresse, les grêles, les tempêtes et le beau temps, fertilité et stérilité, santé et maladies. En somme, il a toutes choses à commandement pour s’en servir selon qu’il lui semble bon.
Des diables
- M : Touchant des diables et des méchants, lui sont-ils aussi bien sujets ?
E : Combien qu’il ne les conduise pas par son Saint-Esprit, toutefois il leur tient la bride, en telle sorte qu’ils ne se pourraient bouger, sinon autant qu’il leur permet. Et même il les contraint d’exécuter sa volonté, combien que ce soit contre leur intention et propos.
Le diable ne peut rien sans Dieu
- M : De quoi te sert-il de savoir cela ?
E : Beaucoup. Car ce serait pauvre chose, si les diables et les iniques avaient le pouvoir de rien faire malgré la volonté de Dieu. Et même nous ne pourrions jamais avoir repos en nos consciences, d’autant que nous serions en leur danger. Mais quand nous savons que Dieu leur tient la bride serrée, tellement qu’ils ne peuvent rien que par son congé, en cela nous avons occasion de nous reposer et réjouir, vu que Dieu promet d’être notre protecteur et de nous défendre.
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Section V
- M : Venons maintenant à la seconde partie.
E : « Et en Jésus-Christ son Fils unique », etc.
- M : Que contient-elle en somme ?
E : C’est que nous reconnaissions le Fils de Dieu pour notre Sauveur, et le moyen comme il nous a délivrés de la mort et acquis salut.
- M : Que signifie ce mot « Jésus » par lequel tu le nommes ?
E : C’est-à-dire Sauveur ; et lui a été imposé de l’Ange par le commandement de Dieu (Matthieu 1.21).
- M : Cela vaut-il plus que s’il eût reçu ce nom des hommes ?
E : Oui bien. Car puisque Dieu veut qu’il soit ainsi appelé, il faut qu’il soit tel à la vérité.
Qu’emporte le titre de Christ
- M : Que veut dire puis après le mot de « Christ » ?
E : Par ce titre est encore mieux déclaré son office. C’est qu’il a été oint du Père céleste pour être ordonné Roi, Prêtre ou Sacrificateur, et Prophète.
- M : Comment sais-tu cela ?
E : Parce que, selon l’Écriture, l’onction doit servir à ces trois
choses ; et aussi elles lui sont attribuées plusieurs fois.
- M : Mais de quel genre d’huile a-t-il été oint ?
E : Ce n’a pas été d’une huile visible, comme les anciens Rois, Prêtres et Prophètes. Mais ce a été des grâces du Saint-Esprit, qui est la vérité de cette onction extérieure, qui se faisait le temps passé (Ésaïe 61.1 ; Psaumes 45.8).
Royaume de Christ
- M : Quel est ce Royaume dont tu parles ?
E : Il est spirituel et consiste en la Parole et en l’Esprit de Dieu, qui contiennent justice et vie.
Prêtrise de Christ
- M : Et la prêtrise ?
E : C’est l’office et autorité de se représenter devant Dieu, pour obtenir grâce et faveur, apaiser son ire, en offrant sacrifice qui lui soit agréable.
Christ Prophète
- M : Comment est-ce que tu dis Jésus-Christ Prophète ?
E : Parce qu’en descendant au monde (Ésaïe 7.14), il a été messager et ambassadeur souverain de Dieu son Père pour exposer pleinement la volonté d’icelui au monde et ainsi mettre fin à toutes prophéties et révélations (Hébreux 1.2).
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Section VI
- M : Te revient-il quelque profit de cela ?
E : Le tout est à notre utilité. Car Jésus-Christ a reçu tous les dons pour nous en faire participants, afin que nous recevions tous de sa plénitude (Jean 1.16).
Christ fontaine de tout bien
- M : Déclare-moi cela plus au long.
E : Il a reçu le Saint-Esprit avec toutes ses grâces en perfection, pour nous en élargir et distribuer à chacun selon la mesure et portion que Dieu connaît être expédiente (Éphésiens 4.7). Et ainsi nous puisons de lui, comme d’une fontaine, tout ce que nous avons de biens spirituels.
De quoi nous sert le Royaume de Christ
- M : Son Royaume, de quoi nous sert-il ?
E : C’est qu’étant par lui mis en liberté de consciences et remplis de ses richesses spirituelles pour vivre en justice et sainteté, nous avons aussi la puissance pour vaincre le diable, le péché et le monde, qui sont les ennemis de nos âmes.
Prêtrise de Christ
- M : Et sa Prêtrise ?
E : Premièrement, en tant qu’il est notre Médiateur, pour nous réconcilier à Dieu son Père ; puis après que, par son moyen, nous avons accès pour nous présenter aussi à Dieu et nous offrir en sacrifice avec tout ce qui procède de nous. Et en cela nous sommes compagnons de sa Prêtrise (Hébreux 7, 8, 9, 10, 13).
Prophétie de Christ
- M : Il reste la Prophétie.
E : Puisque cet office a été donné au Seigneur Jésus pour être maître et docteur des siens, la fin est de nous introduire à la vraie connaissance du Père et de sa vérité, tellement que nous soyons écoliers domestiques de Dieu.
- M : Tu veux donc conclure que ce titre de Christ comprend trois offices que Dieu a donnés à son Fils pour en communiquer le fruit et la vertu à ses fidèles.
E : Voire.
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Section VII
Christ Fils unique de Dieu
- M : Pourquoi l’appelles-tu Fils unique de Dieu, vu que Dieu nous appelle tous ses enfants ?
E : Ce que nous sommes enfants de Dieu, ce n’est pas de nature, mais seulement par adoption et par grâce, en tant que Dieu nous veut réputer tels (Éphésiens 1.5). Mais le Seigneur Jésus, qui est engendré de la substance de son Père et est d’une même essence, à bon droit est dit Fils unique (Jean 1.14 ; Hébreux 1.2). Car il n’y a que lui seul qui soit naturel.
- M : Tu veux donc dire que cet honneur est propre à lui seul et lui appartient naturellement, mais il nous est communiqué de don gratuit, en tant que nous sommes ses membres.
E : C’est cela. Et pourtant au regard de cette communication, il est dit ailleurs le premier-né entre plusieurs frères (Romains 8.29 ; Colossiens 1.15).
Onction de Christ
- M : Que veut dire ce qui s’ensuit après ?
E : II déclare comme le Fils de Dieu a été oint du Père, pour nous être Sauveur. C’est à savoir en prenant notre chair humaine et accomplissant les choses requises à notre rédemption, comme elles sont ici récitées.
Christ vrai homme
- M : Qu’entends-tu par ces deux mots, « conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie » ?
E : Qu’il a été formé au ventre de la Vierge Marie, de la propre substance d’icelle, pour être semence de David, comme il avait été prédit (Psaumes 132.11) ; et néanmoins que cela s’est fait par opération miraculeuse du Saint-Esprit, sans compagnie d’homme (Matthieu 1.1, 16 ; Luc 1.35).
- M : Etait-il donc requis qu’il vêtît notre propre chair ?
E : Oui. D’autant qu’il fallait que la désobéissance commise contre Dieu par l’homme fût réparée en la nature humaine (Romains 5.15) ; et aussi il ne pouvait être autrement notre Médiateur pour nous conjoindre à Dieu son Père (1 Timothée 2.5 ; Hébreux 4 :15).
Recouvrer en Christ ce qui nous défaut
- M : Tu dis donc qu’il fallait que Jésus-Christ fût homme pour accomplir l’office du Sauveur, comme en notre propre personne.
E : Voire. Car il nous faut recouvrer en lui tout ce qui nous défaut en nous-mêmes, ce qui ne se peut autrement faire.
Christ conçu du Saint-Esprit
- M : Mais pourquoi cela s’est-il fait par le Saint-Esprit et non point par oeuvre d’homme, selon l’ordre de nature ?
E : Parce que la semence humaine est d’elle-même corrompue, il fallait que la vertu du Saint-Esprit intervînt en cette conception pour préserver notre Seigneur de toute corruption et le remplir de sainteté.
- M : Ainsi il nous est démontré que celui qui doit sanctifier les autres est exempt de toute macule, et du ventre de sa mère est consacré à Dieu en pureté originelle pour n’être point sujet à la corruption universelle du genre humain.
E : Je l’entends ainsi.
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Section VIII
Christ notre Seigneur
- M : Comment est-ce qu’il est notre Seigneur ?
E : Comme il a été constitué du Père, afin qu’il nous ait en son gouvernement, pour exercer le royaume et la seigneurie au ciel et en la terre et pour être chef des Anges et des fidèles (Éphésiens 5.23 ; Colossiens 1.18).
- M : Pourquoi de la nativité viens-tu incontinent à la mort, laissant toute l’histoire de sa vie ?
E : Parce qu’il n’est ici parlé que de ce qui est proprement de la substance de notre rédemption.
- M : Pourquoi n’est-il dit simplement en un mot qu’il est mort, mais est parlé de Ponce Pilate, sous lequel il a souffert ?
E : Cela n’est pas seulement pour nous assurer de la certitude de l’histoire, mais aussi pour signifier que sa mort emporte condamnation.
Jésus-Christ condamné pour nous absoudre
- M : Comment cela ?
E : Il est mort pour souffrir la peine qui nous était due et par ce moyen nous en délivrer. Or parce que nous étions coupables devant le jugement de Dieu comme malfaiteurs, pour représenter notre personne il a voulu comparaître devant le siège d’un juge terrien et être condamné par la bouche d’icelui pour nous absoudre au trône du Juge céleste.
Christ condamné pour nous. Christ notre pleige [*]
- M : Néanmoins, Pilate le prononce innocent, et ainsi il ne le condamne pas comme s’il en était digne (Matthieu 27.24 ; Luc 23.14),
E : II y a l’un et l’autre. C’est qu’il est justifié par le témoignage du juge pour montrer qu’il ne souffre point pour ses démérites, mais pour les nôtres ; et cependant est condamné solennellement par la sentence d’icelui même pour dénoter qu’il est vraiment notre pleige, recevant la condamnation pour nous afin de nous en acquitter.
- M : C’est bien dit. Car s’il était pécheur, il ne serait pas capable de souffrir la mort pour les autres ; et néanmoins, afin que sa condamnation nous soit délivrance, il faut qu’il soit réputé entre les iniques (Ésaïe 53.12).
E : Je l’entends ainsi.
[*] qui sert de caution
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Section IX
Jésus-Christ fait sujet à malédiction pour nous en délivrer
- M : Ce qu’il a été crucifié, emporte-t-il quelque chose plutôt que si l’on eût autrement fait mourir ?
E : Oui, comme l’Apôtre le remontre, disant qu’il a été pendu au bois pour transporter notre malédiction sur soi-même, pour nous en décharger (Galates 3.13). Car ce genre de mort était maudit de Dieu (Deutéronome 21.23).
- M : Comment ? N’est-ce pas déshonorer le Seigneur Jésus de dire qu’il a été sujet à malédiction, même devant Dieu ?
E : Nenni. Car en la recevant, il l’a anéantie par sa vertu, tellement qu’il n’a pas laissé d’être toujours béni pour nous remplir de sa bénédiction.
Christ en endurant la mort, l’a vaincue
- M : Expose ce qui s’ensuit.
E : D’autant que la mort était une malédiction sur l’homme, à cause du péché, Jésus-Christ l’a endurée, et en l’endurant l’a vaincue. Et pour démontrer que c’était une vraie mort que la sienne, il a voulu être mis en sépulcre, comme les autres hommes.
Mort des fidèles est passage à la vie
- M : Mais il ne semble pas qu’il nous revienne quelque bien de cette victoire, vu que nous ne laissons point de mourir.
E : Cela n’empêche de rien. Car la mort des fidèles n’est maintenant autre chose qu’un passage pour les introduire à une vie meilleure.
- M : De cela il s’ensuit qu’il ne nous faut plus craindre la mort comme une chose horrible, mais suivre volontairement notre chef et capitaine Jésus-Christ qui nous y précède, non pas pour nous faire périr, mais pour nous sauver.
E : Il est ainsi.
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Section X
Descente de Christ aux enfers
- M : Que signifie ce qui est ajouté de sa descente aux enfers ?
E : C’est que non seulement il a souffert la mort naturelle, qui est séparation du corps et de l’âme, mais aussi que son âme a été enserrée en angoisse merveilleuse, que saint Pierre appelle les douleurs de la mort (Actes 2.24).
- M : Pour quelle raison cela s’est-il fait, et comment ?
E : Parce qu’il se présentait à Dieu pour satisfaire au nom des pécheurs, il fallait qu’il sentit cette horrible détresse en sa conscience, comme s’il était délaissé de Dieu ; et même comme si Dieu était courroucé contre lui. Étant en cet abîme il a crié : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu laissé ? » (Matthieu 27.46 ; Marc 15.34).
- M : Dieu était-il donc courroucé contre lui ?
E : Non ; mais il fallait toutefois qu’il l’affligeât ainsi, pour vérifier ce quia été prédit par Ésaïe : qu’il a été frappé de la main du Père pour nos péchés et qu’il a porté nos iniquités (Ésaïe 53.5 ; 1 Pierre 2.24).
- M : Mais comment pouvait-il être en telle frayeur, comme s’il était abandonné de Dieu, lui qui est Dieu même ?
E : Il faut entendre que selon sa nature humaine il a été en cette extrémité, et pour ce faire que sa divinité se tenait pour un peu de temps comme cachée, c’est-à-dire qu’elle ne démontrait point sa vertu.
- M : Mais comment se peut-il faire que Jésus-Christ, qui est le salut du monde, ait été en telle damnation ? (18)
E : II n’y a pas été pour y demeurer ; car il a tellement senti cette horreur, que nous avons dit, qu’il n’en a point été oppressé, mais a bataillé contre la puissance des enfers pour la rompre et détruire.
Tourment de Christ et des pécheurs, en quoi diffère
- M : Par cela nous voyons la différence entre le tourment qu’il a souffert, et celui que sentent les pécheurs que Dieu punit en son ire. Car ce qui a été temporel en lui est perpétuel aux autres, et que ce qui a été seulement un aiguillon pour le poindre leur est un glaive pour les navrer à mort.
E : C’est cela. Car Jésus-Christ n’a pas laissé d’espérer toujours en Dieu au milieu de telles détresses ; mais les pécheurs que Dieu damne se désespèrent et dépitent contre lui, jusqu’à le blasphémer.
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Section XI
Le fruit et la vertu de la mort de Jésus-Christ est en quatre points
- M : Pouvons-nous pas bien déduire de cela quel fruit nous recevons de la mort de Jésus-Christ ?
E : Oui bien. Et premièrement nous voyons que c’est un sacrifice pour lequel il a satisfait pour nous au jugement de Dieu, et ainsi a apaisé l’ire de Dieu envers nous, et nous a réconciliés avec lui. Pour le second, que son sang est le lavement par lequel nos âmes ont été purgées de toutes macules. Finalement, que par cette mort nos péchés sont effacés pour ne point venir en mémoire devant Dieu, et ainsi que l’obligation qui était contre nous est abolie.
- M : N’en avons-nous pas quelque autre utilité ?
E : Si avons ; c’est que, si nous sommes vrais membres de Christ, notre vieil homme est crucifié, notre chair est mortifiée, afin que les mauvaises concupiscences ne règnent plus en nous.
- M : Déclare l’article suivant.
E : C’est que « le troisième jour il est ressuscité ». En quoi il s’est démontré vainqueur de la mort et de péché, car, par sa résurrection, il a englouti la mort et a rompu les liens du diable et détruit toute sa puissance (1 Pierre 3.21).
Le profit de la résurrection en trois points
- M : En combien de sortes nous profite cette résurrection ?
E : La première est que la justice nous a été pleinement acquise en icelle (Romains 4.24). La seconde, que ce nous est un certain gage que nous ressusciterons une fois en immortalité glorieuse (1 Corinthiens 15.20-23). La troisième, que si nous communiquons vraiment à icelle, nous ressuscitons dès à présent en nouveauté de vie, pour servir à Dieu et vivre saintement, selon son plaisir (Romains 6.4).
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Section XII
- M : Poursuivons outre.
E : « Il est monté au ciel. »
Christ monté au ciel
- M : Est-il monté en telle sorte qu’il ne soit plus en terre ?
E : Oui. Car, puisqu’il a fait tout ce qui lui était enjoint du Père et qui était requis à notre salut, il n’était plus métier qu’il conversât au monde.
Le profit de l’ascension en deux points
- M : Que nous profite cette ascension ?
E : Le profit en est double. Car d’autant que Jésus-Christ est entré au ciel en notre nom, ainsi qu’il en était descendu pour nous, il nous y a donné entrée et nous a assurés que la porte est maintenant ouverte, laquelle nous était close pour nos péchés (Romains 6.8-11). Secondement, il apparaît là devant la face du Père pour être notre intercesseur et avocat (Hébreux 7.25).
- M : Mais Jésus-Christ, montant au ciel, s’est-il tellement retiré du monde qu’il ne soit plus avec nous ?
E : Non. Car il a dit le contraire : c’est qu’il sera près de nous jusqu’à la fin.
- M : Est-ce de présence corporelle qu’il demeure avec nous ?
E : Non. Car c’est autre chose de son corps qui a été élevé en haut (Luc 24.51), et de sa vertu laquelle est partout répandue (Actes 2.33).
- M : Comment entends-tu qu’il est assis à la dextre de Dieu son Père ?
E : C’est qu’il a reçu la Seigneurie du ciel et de la terre, afin de régir et gouverner tout (Matthieu 28.18).
Être assis à la dextre
- M : Mais que signifie la dextre et cette assiette, dont il est parlé ?
E : C’est une similitude tirée des princes terriens, qui font seoir à leur côté dextre ceux qu’ils ordonnent lieutenants pour gouverner en leur nom.
- M : Tu n’entends donc sinon ce que dit saint Paul : c’est qu’il a été constitué Chef de l’Église (Éphésiens 1.22 ; 4.15), et exalté dessus toute principauté, et qu’il a reçu un Nom par-dessus tout nom (Philippiens 2.9).
E : Voire.
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Section XIII
- M : Poursuis outre.
E : « De là viendra juger les vifs et les morts. » Qui est à dire qu’il apparaîtra une fois du ciel en jugement, ainsi qu’on l’y a vu monter (Actes 1.11).
- M : Puisque le jugement sera en la fin du siècle, comment dis-tu que les uns vivront lors, et les autres seront morts, vu qu’il est ordonné à tous hommes de mourir une fois (Hébreux 9.27, 28) ?
E : Saint Paul répond à cette question disant que ceux qui seront lors survivants seront subitement changés, afin que leur corruption soit abolie et que leur corps soit renouvelé pour être incorruptible (1 Corinthiens 15.52 ; 1 Thessaloniciens 4.17).
- M : Tu entends donc que cette mutation leur sera comme une mort, pour ce qu’elle abolira leur première nature pour les faire ressusciter en autre état.
E : C’est cela.
- M : Nous revient-il quelque consolation de ce que Jésus-Christ doit une fois venir juger le monde ?
E : Oui, singulière, car nous sommes certains qu’il n’apparaîtra sinon en notre salut.
Christ notre juge et avocat
- M : Nous ne devons pas donc craindre le dernier jugement pour l’avoir en horreur.
E : Non pas, puisqu’il ne nous faudra venir devant autre juge que celui même qui est notre avocat et a pris notre cause en main pour la défendre.
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Section XIV
La troisième partie
- M : Venons à la troisième partie.
E : C’est la foi au Saint-Esprit.
Du Saint-Esprit et de ses grâces
- M : A quoi nous profite-t-elle ?
E : A ce que nous reconnaissions que, comme Dieu nous a rachetés et sauvés en Jésus-Christ, aussi il nous fait par son Saint-Esprit participants de cette rédemption et du salut.
- M : Comment cela ?
E : Comme le sang de Jésus-Christ est notre lavement, aussi faut-il que le Saint-Esprit en arrose nos consciences, à ce qu’elles soient lavées (1 Pierre 1.19).
- M : Il faut encore déclaration plus certaine.
E : C’est-à-dire que le Saint-Esprit, habitant en nos coeurs, nous fait sentir la vertu de notre Seigneur Jésus (Romains 5.5). Car il nous illumine pour nous faire connaître ses grâces ; il les scelle et imprime en nos âmes et leur donne lieu en nous (Éphésiens 1.13). 11 nous régénère et fait nouvelles créatures (Tite 3.5), tellement que, par son moyen, nous recevons tous les biens et dons qui nous sont offerts en Jésus-Christ.
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Section XV
La quatrième partie qui est de l’Église
- M : Que s’ensuit-il ?
E : La quatrième partie où il est dit que nous croyons l’Église catholique.
Que c’est que l’Église ?
- M : Qu’est-ce que l’Église catholique ?
E : C’est la compagnie des fidèles que Dieu a ordonnés et élus à la vie éternelle.
- M : Est-il nécessaire de croire cet article ?
E : Oui bien, si nous ne voulons faire la mort de Jésus-Christ oisive et tout ce qui a déjà été récité, car le fruit qui en procède est l’Église.
Fruit de la mort de Christ
- M : Tu dis donc que, jusqu’à cette heure, il a été parlé de la cause et du fondement de salut, en tant que Dieu nous a reçus en dilection par le moyen de Jésus-Christ, et confirmé en nous cette grâce par son Saint-Esprit ; mais que maintenant est démontré l’effet et l’accomplissement de tout cela pour en donner meilleure certitude.
E : II est ainsi.
- M : En quel sens nommes-tu l’Église « sainte » ?
E : Pour ce que ceux que Dieu a élus, il les justifie et purifie à sainteté et innocence, pour faire en eux reluire sa gloire (Romains 8.30). Et ainsi Jésus-Christ, ayant racheté son Église, l’a sanctifiée, afin qu’elle fût glorieuse et sans macule (Éphésiens 5.25-27).
Catholique
- M : Que veut dire ce mot « catholique », ou « universelle » ?
E : C’est pour signifier que, comme il n’y a qu’un Chef des fidèles (Éphésiens 4.15), aussi tous doivent être unis en un corps (1 Corinthiens 12.12, 27), tellement qu’il n’y a pas plusieurs Églises, mais une seule, laquelle est épandue par tout le monde.
La communion des fidèles
- M : Et ce qui s’ensuit de la « communion des saints », qu’emporte-t-il ?
E : Cela est ajouté pour mieux exprimer l’unité qui est entre les membres de l’Église. Et aussi par cela nous est donné à entendre que tout ce que notre Seigneur fait de bien à son Église, est pour le profit et salut de chacun fidèle, pour ce que tous ont communion ensemble.
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Section XVI
L’Église encore imparfaite
- M : Mais cette sainteté que tu attribues à l’Église, est-elle maintenant parfaite ?
E : Non pas, cependant qu’elle bataille en ce monde. Car il y a toujours des reliques d’imperfection, lesquelles ne seront jamais ôtées, jusqu’à ce qu’elle soit pleinement conjointe à son Chef Jésus-Christ, duquel elle est sanctifiée.
- M : Et cette Église ne se peut-elle autrement connaître qu’en la croyant ?
E : II y a bien Église de Dieu visible, selon qu’il nous a donné les enseignes pour la connaître. Mais il est ici parlé proprement de la compagnie de ceux que Dieu a élus pour les sauver, laquelle ne se peut pas pleinement voir à l’oeil.
- M : Que s’ensuit-il ?
E : « Je crois la rémission des péchés. »
De la rémission des péchés
- M : Qu’entends-tu par ce mot de « rémission » ?
E : Que Dieu pat sa bonté gratuite remet et quitte à ses fidèles leurs fautes, tellement qu’elles ne viennent point en compte devant son jugement pour les en punir.
- M : De cela il s’ensuit que nous ne méritons pas par satisfactions que Dieu nous pardonne.
E : Voire. Car le Seigneur Jésus a fait le payement et en a porté la peine. De notre part, nous ne pouvons apporter aucune récompense, mais faut que recevions par la pure libéralité de Dieu pardon de tous nos méfaits.
Rémission des péchés n’est sinon en l’Église
- M : Pourquoi mets-tu cet article après l’Église ?
E : Pour ce que nul n’obtient pardon de ses péchés, que premièrement il ne soit incorporé au peuple de Dieu et persévère en unité et communion avec le corps de Christ, et ainsi qu’il soit vrai membre de l’Église.
- M : Ainsi, hors de l’Église, il n’y a que damnation et mort.
E : Il est certain. Car tous ceux qui se séparent de la communauté des fidèles pour faire secte à part ne doivent espérer salut cependant qu’ils sont en division.
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Section XVII
La résurrection
- M : Que s’ensuit-il ?
E : « La résurrection de la chair et la vie éternelle. »
- M : Pourquoi cet article est-il mis ?
E : Pour nous montrer que notre félicité ne gît pas en la terre, ce qui sert à double fin. Premièrement, afin que nous apprenions de passer par ce monde comme par un pays étrange, en contemnant toutes choses terriennes et n’y mettant point notre coeur ; puis aussi, que combien que nous n’apercevions pas encore le fruit de la grâce que le Seigneur nous a fait en Jésus-Christ, que nous ne perdions pas courage pourtant, mais l’attendions en patience jusqu’au temps de la révélation.
- M : Comment se fera cette résurrection ?
E : Ceux qui seront morts auparavant reprendront leurs corps, néanmoins d’autre qualité, à savoir, qui ne seront plus sujets à mortalité et corruption, combien que ce sera la même substance. Et ceux qui survivront encore, Dieu les ressuscitera miraculeusement, par ce changement subit dont il a été parlé (1 Corinthiens 15.52).
- M : Et cette résurrection ne sera-t-elle pas commune tant aux mauvais comme aux bons ?
E : Oui bien, mais ce sera bien en diverse condition. Car les uns ressusciteront à salut et joie, les autres à condamnation et mort (Jean 5.29 ; Matthieu 25.46).
- M : Pourquoi donc est-il seulement parlé de la vie éternelle, et non point aussi bien d’enfer ?
E : Parce qu’il n’y a rien couché en ce sommaire qui n’appartienne proprement à la consolation des consciences fidèles, il nous récite seulement les biens que Dieu fait à ses serviteurs. Et ainsi il n’y est fait nulle mention des iniques, qui sont exclus de son Royaume.
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Section XVIII
Que c’est que vraie foi
- M : Puisque nous avons le fondement sur lequel la foi est appuyée, nous pourrons bien de là conclure que c’est que la vraie foi.
E : Voire. A savoir certaine et ferme connaissance de la dilection de Dieu envers nous, selon que par son Évangile il se déclare être notre Père et Sauveur, par le moyen de Jésus-Christ.
- M : La pouvons-nous avoir de nous-mêmes, ou si elle vient de Dieu ?
E : L’Écriture nous enseigne que c’est un don singulier du Saint-Esprit, et l’expérience aussi le montre.
Le Saint-Esprit nous illumine
- M : Comment ?
E : Pour ce que notre entendement est trop débile pour comprendre la sagesse spirituelle de Dieu, qui nous est révélée par la foi, et nos coeurs sont enclins à défiance, ou bien à fiance perverse de nous ou des créatures. Mais le Saint-Esprit nous illumine pour nous faire capables d’entendre ce qui autrement nous serait incompréhensible, et nous fortifie en certitude, scellant et imprimant les promesses de salut en nos coeurs.
C’est la foi qui nous justifie
- M : Quel bien nous procède-t-il de cette foi, quand nous l’avons ?
E : Elle nous justifie devant Dieu pour nous faire obtenir vie éternelle.
- M : Comment donc ? L’homme n’est-il pas justifié par bonnes oeuvres, vivant saintement et selon Dieu ?
E : S’il s’en trouvait quelqu’un si parfait, on le pourrait bien nommer juste, mais en tant que nous sommes tous pauvres pécheurs, il nous faut chercher ailleurs notre dignité pour répondre au jugement de Dieu.
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Section XIX
Toute oeuvre humaine devant la régénération est damnable
- M : Mais toutes nos oeuvres sont-elles réellement réprouvées, qu’elles ne nous puissent mériter grâce devant Dieu ?
E : Premièrement, toutes celles que nous faisons de notre propre nature sont vicieuses, et par conséquent ne peuvent plaire à Dieu ; mais il les condamne toutes.
- M : Tu dis donc que devant que Dieu nous ait reçu en sa grâce, nous ne pouvons sinon pécher, comme un mauvais arbre ne produit que mauvais fruits (Matthieu 7.17).
E : Il est ainsi. Car encore que nos oeuvres aient belle apparence par dehors, si sont-elles mauvaises, puisque le coeur est pervers, lequel Dieu regarde.
- M : Par cela tu conclus que nous ne pouvons prévenir Dieu par nos mérites pour l’induire à nous bien faire, mais au contraire ne faisons que l’irriter contre nous.
E : Voire. Et pourtant je dis que par sa pure miséricorde et bonté, sans aucune considération de nos oeuvres, il nous a agréables en Jésus-Christ, nous imputant la justice d’icelui et ne nous imputant point nos fautes (Tite 3.5-7).
- M : Comment donc dis-tu que l’homme est justifié par foi ?
E : Parce qu’en croyant et recevant en vraie fiance de coeur les promesses de l’Évangile, nous entrons en possession de cette justice.
- M : Tu entends que, comme Dieu nous la présente par l’Évangile, aussi le moyen de la recevoir c’est par foi.
E : Oui.
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Section XX
Des bonnes oeuvres qui sont faites en foi
- M : Mais puisque Dieu nous a une fois reçus, les oeuvres que nous faisons par sa grâce ne lui sont-elles pas plaisantes ?
E : Oui bien, en tant qu’il les accepte libéralement, et non pas pour leur propre dignité.
- M : Comment ? Ne sont-elles pas dignes d’être acceptées, puisqu’elles procèdent du Saint-Esprit ?
E : Non pas, à cause qu’il y a toujours quelque infirmité de notre chair parmi, dont elles sont souillées.
Le moyen pour faire oeuvres agréables à Dieu
- M : Quel sera donc le moyen de les rendre agréables ?
E : Si elles sont faites en foi, c’est-à-dire que la personne soit assurée en sa conscience que Dieu ne les examinera pas à la rigueur, mais en couvrant les imperfections et macules par la pureté de Jésus-Christ, les tiendra comme parfaites.
- M : Par cela dirons-nous que l’homme chrétien est justifié par ses oeuvres, après que Dieu l’a appelé, ou que par icelles il mérite que Dieu l’aime pour obtenir salut ?
E : Non. Mais au contraire il est dit que nul homme vivant ne sera justifié devant sa face (Psaumes 143.2). Pourtant nous avons à prier qu’il n’entre point en jugement ni en compte avec nous.
- M : Tu n’entends pas, pourtant, que les bonnes oeuvres des fidèles soient inutiles.
E : Non. Car Dieu promet de les rémunérer amplement, tant en ce monde comme en paradis. Mais tout cela procède de ce qu’il nous aime gratuitement et ensevelit toutes nos fautes pour n’en avoir point mémoire.
La vraie foi n’est jamais oisive.
Que c’est que croire en Jésus-Christ
- M : Mais pouvons-nous croire pour être justifiés, sans faire bonnes oeuvres ?
E : Il est impossible. Car croire en Jésus-Christ, c’est le recevoir tel qu’il se donne à nous. Or il nous promet non seulement de nous délivrer de la mort et remettre en la grâce de Dieu son Père par le mérite de son innocence, mais aussi de nous régénérer par son Esprit pour nous faire vivre saintement.
Foi et pénitence
- M : La foi donc, non seulement ne nous rend pas nonchalants à bonnes oeuvres, mais est la racine dont elles sont produites.
E : Il est ainsi, et pour cette cause la doctrine de l’Évangile est comprise en ces deux points, à savoir foi et pénitence.
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Section XXI
Que c’est que pénitence ?
- M : Qu’est-ce que pénitence ?
E : C’est une déplaisante du mal et amour du bien procédant de la crainte de Dieu, et nous induisant à mortifier notre chair pour être gouvernés et conduits par le Saint-Esprit au service de Dieu.
Vrai service de Dieu
- M : C’est le second point que nous avons touché de la vie chrétienne.
E : Voire ; et avons dit que le vrai et légitime service de Dieu consiste en ce que nous obéissons à sa volonté.
- M : Pourquoi ?
E : D’autant qu’il ne veut pas être servi selon notre fantaisie, mais à son plaisir.
II. LA LOI
La loi
- M : Quelle règle nous a-t-il donnée pour nous gouverner ?
E : Sa loi.
Deux parties de la loi
- M : Qu’est-ce qu’elle contient ?
E : Elle est divisée en deux parties, dont la première contient quatre commandements, et l’autre six ; ainsi en tout ce sont dix.
- M : Qui a fait cette division ?
E : Dieu même, qui l’a donnée écrite à Moïse en deux Tables, et a dit qu’elle se réduisait en dix paroles (Exode 32.15 ; 34.29 ; Deutéronome 4.13 ; 10.1).
Argument de la première Table
- M : Quel est l’argument de la première Table ?
E : Touchant la manière de bien honorer Dieu.
Argument de la seconde Table
- M : Et de la seconde ?
E : Comment il nous faut vivre avec nôs prochains, et de ce que nous leur devons.
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Section XXII
Le premier commandement
- M : Récite le premier commandement.
E : « Ecoute, Israël, Je suis te Seigneur ton Dieu, qui t’ai tiré hors de la terre d’Egypte, de la maison de servitude. Tu n’auras point d’autre Dieu devant moi » (Exode 20.2, 3 ; Deutéronome 5.6, 7).
- M : Expose le sens.
E : Du commencement il fait comme une préface sur toute la loi, car il s’attribue autorité de commander, se nommant l’Eternel et Créateur du monde. Après il se dit notre Dieu, pour nous rendre sa doctrine amiable ; car s’il est notre Sauveur, c’est bien raison que nous lui soyons peuple obéissant.
Délivrance d’Egypte
- M : Mais ce qu’il dit après de la délivrance de la terre d’Egypte, ne s’adresse-t-il pas particulièrement au peuple d’Israël ?
E : Si fait bien selon le corps. Mais il nous appartient aussi généralement à tous, en tant qu’il a délivré nos âmes de la captivité spirituelle de péché et de la tyrannie du diable.
- M : Pourquoi fait-il mention de cela au commencement de sa loi ?
E : C’est pour nous admonester combien nous sommes tenus de suivre son bon plaisir, et quelle ingratitude ce serait de faire du contraire.
Somme du premier commandement
- M : Et qu’est-ce qu’il requiert en somme en ce premier commandement ?
E : Que nous lui réservions à lui seul l’honneur qui lui appartient, sans le transporter ailleurs.
L’honneur qui est proprement dû à Dieu
- M : Quel honneur est-ce qui lui est propre ?
E : De l’adorer lui seul, l’invoquer, avoir notre fiance en lui, et telles choses semblables qui sont attribuées à sa Majesté.
- M : Pourquoi dit-il « devant ma face » ?
E : D’autant qu’il voit et connaît tout et est juge des secrètes pensées des hommes, il signifie que non seulement par confession extérieure il veut être avoué Dieu, mais aussi en pure vérité et affection de coeur.
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Section XXIII
Le second commandement.
Des images et adoration d’icelles
- M : Dis le second commandement.
E : « Tu ne te feras image taillée, ni semblante aucune des choses qui sont au ciel là-sus, ou en la terre ci-bas, ou ès eaux qui sont sous la terre. Tu ne les honoreras point. »
- M : Veut-il du tout défendre de faire aucune image ?
E : Non, mais il défend de faire aucune image, ou pour figurer Dieu, ou pour adorer.
- M : Pourquoi est-ce qu’il n’est point licite de représenter Dieu visiblement ?
E : Parce qu’il n’y a nulle convenance entre lui, qui est Esprit éternel, incompréhensible, et une matière corporelle, morte, corruptible et visible (Deutéronome 4.15 ; Ésaïe 41.7 ; Romains 6.7 ; Actes 17.24, 25).
- M : Tu entends donc que c’est faire déshonneur à sa Majesté de la vouloir représenter ainsi.
E : Voire.
Adoration aux images
- M : Quelle forme d’adoration est ici condamnée ?
E : C’est de se présenter devant une image pour faire son oraison, de fléchir le genou devant icelle ou faire quelque autre signe de révérence, comme si Dieu se démontrait là à nous.
Quelle peinture et défendue
- M : Il ne faut pas donc entendre que toute taillure ou peinture soit défendue en général, mais seulement toutes images qui se font pour servir Dieu, ou l’honorer en choses visibles, ou bien pour en abuser à idolâtrie en quelque sorte que ce soit.
E : II est ainsi.
- M : A quelle fin réduirons-nous ce commandement ?
E : Comme au premier Dieu a déclaré qu’il était seul, sans autre, qu’on doit adorer, aussi maintenant il nous démontre quelle est la droite forme, afin de nous retirer de toutes superstitions et façons charnelles.
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Section XXIV
- M : Passons outre.
E : Il ajoute une menace : qu’il est « l’Eternel notre Dieu, fort, jaloux, visitant l’iniquité des pères sur les enfants, en la troisième et quatrième génération envers ceux qui le haïssent ».
- M : Pourquoi fait-il mention de sa force ?
E : Pour dénoter qu’il est puissant à maintenir sa gloire.
Paillardise spirituelle
- M : Que signifie-t-il par la jalousie ?
E : Qu’il ne peut endurer compagnon. Car, comme il s’est donné à nous par sa bonté infinie, aussi veut-il que nous soyons entièrement siens, et c’est la chasteté de nos âmes consacrées et dédiées à lui. D’autre part, c’est une paillardise spirituelle de nous détourner à quelque superstition.
- M : Comment se doit-il entendre qu’il punit les péchés des pères sur les enfants ?
E : Pour nous donner plus grande crainte, il dit que non seulement il se vengera de ceux qui l’offensent, mais aussi que leur lignée sera maudite après eux.
Comment Dieu punit les enfants à cause des pères
- M : Et cela n’est-il pas contraire à la justice de Dieu, de punir les uns pour les autres ?
E : Si nous considérons quelle est la condition de l’humain lignage, cette question sera vidée. Car, de nature, nous sommes tous maudits et ne nous pouvons plaindre de Dieu quand il nous laissera comme nous sommes. Or, comme il démontre sa grâce et dilection sur ses serviteurs en bénissant leurs enfants, aussi c’est un témoignage de sa vengeance sur les iniques, quand il laisse leur semence en malédiction.
- M : Que dit-il plus ?
E : Afin de nous inciter aussi par douceur, il dit qu’il fait miséricorde en mille générations à ceux qui l’aiment et gardent ses commandements.
Miséricorde en mille générations
- M : Entend-il que l’obéissance du fidèle sauvera toute sa race, encore qu’elle soit méchante ?
E : Non pas, mais qu’il étendra jusque là sa bonté envers ses fidèles, que pour l’amour d’eux il se donnera à connaître à leurs enfants, et non seulement les fera prospérer selon la chair, mais les sanctifiera par son Esprit pour les rendre obéissants à sa volonté.
- M : Mais cela n’est pas perpétuel.
E : Non. Car, comme le Seigneur se réserve la liberté de faire miséricorde aux enfants des iniques, aussi d’autre part il retient le pouvoir d’élire ou rejeter en la génération des fidèles ceux que bon lui semble (Romains 9.15-22). Toutefois si fait-il tellement qu’on peut connaître cette promesse n’être pas vaine ni frustratoire (Romains 2.6-10).
- M : Pourquoi nomme-t-il, ici, mille générations et, en la menace, il n’en nomme que trois ou quatre ?
E : C’est pour signifier que son propre est d’user plutôt de bonté et douceur que de rigueur ni rudesse, comme il témoigne qu’il est enclin à bien faire, tardif à se courroucer (Exode 34.6-7 ; Psaumes 103.8) (30).
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Section XXV
Le troisième commandement
- M : Venons au troisième commandement.
E : « Tu ne prendras le nom du Seigneur ton Dieu en vain. »
Des jurements
- M : Que veut-il dire ?
E : Il nous défend d’abuser du nom de Dieu, non seulement en parjurements, mais aussi en serments superflus et oisifs.
- M : En peut-on donc bien user en serments ?
E : Oui, qui sont nécessaires, c’est-à-dire pour maintenir la vérité, quand il en est métier, et pour entretenir charité et concorde entre nous.
Honneur du nom de Dieu
- M : Ne veut-il sinon corriger les serments qui sont au déshonneur de Dieu ?
E : Par une espèce, il nous instruit en général de ne mettre jamais en avant le nom de Dieu, sinon en crainte et humilité, pour le glorifier. Car, selon qu’il est saint et digne, aussi nous faut-il garder de la prendre en telle sorte qu’il semble que nous l’ayons en mépris, ou que nous donnions occasion de le vilipender.
- M : Comment cela se fera-t-il ?
E : Quand nous ne penserons, ne parlerons de Dieu, ni de ses oeuvres, sinon honorablement et en sa louange.
- M : Que s’ensuit-il ?
E : Une menace : qu’il ne tiendra pour innocent celui qui prendra son nom en vain.
- M : Vu qu’il dénonce ailleurs généralement qu’il punira tous transgresseurs, qu’est-ce qu’il y a ici davantage ?
E : Par cela il a voulu déclarer combien il a en singulière recommandation la gloire de son nom, disant nommément qu’il ne souffrira pas qu’on le méprise, afin que nous soyons tant plus soigneux de l’avoir en révérence.
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Section XXVI
Le quatrième commandement
- M : Venons au quatrième.
E : « Qu’il te souvienne du jour du repos pour le sanctifier. Six jours tu travailleras et feras toute ton oeuvre ; le septième c’est le repos du Seigneur ton Dieu. Tu ne feras en icelui oeuvre aucune, ni toi, ni ton serviteur, ni ta chambrière, ni ton boeuf, ni ton âne, ni l’étranger qui est dedans tes portes. Car en six jours Dieu a fait le ciel et la terre et tout ce qui y est compris ; le septième il s’est reposé ; pourtant a béni le jour du repos et l’a sanctifié. »
- M : Commande-t-il de travailler six jours la semaine, pour se reposer le septième ?
E : Non pas simplement. Mais en donnant congé de travailler six jours durant, il réserve le septième, auquel il n’est loisible de besogner.
- M : Nous défend-il donc toute besogne un jour la semaine ?
E : Ce commandement a quelque considération particulière, car l’observation du repos est une partie des cérémonies de la loi ancienne. Par quoi à la venue de Jésus-Christ elle a été abolie.
- M : Dis-tu que ce commandement appartient proprement aux Juifs et a été donné pour le temps de l’Ancien Testament ?
E : Voire, en tant qu’il est cérémoniel.
Trois raisons pourquoi le repos a été institué
- M : Comment donc ? Y a-t-il quelque chose outre la cérémonie ?
E : Il a été fait pour trois raisons.
- M : Quelles sont-elles ?
E : Pour figurer le repos spirituel, pour la police ecclésiastique, et pour le soulagement des serviteurs.
La signification spirituelle du repos extérieur
- M : Qu’est-ce que ce repos spirituel ?
E : C’est de cesser de nos propres oeuvres, afin que le Seigneur oeuvre en nous.
- M : Comment cela se fait-il ?
E : En mortifiant notre chair, c’est-à-dire renonçant à notre nature, afin que Dieu nous gouverne par son Esprit.
- M : Cela se doit-il faire seulement un jour la semaine ?
E : Il se doit faire continuellement. Car depuis que nous avons commencé, il nous faut poursuivre toute notre vie.
- M : Pourquoi donc y a-t-il jour certain assigné pour figurer cela ?
E : II n’est pas requis que la figure soit du tout pareille à la vérité, mais suffit qu’il y ait quelque semblance.
Nombre de sept
- M : Pourquoi le septième jour est-il ordonné plutôt qu’un autre ?
E : Le nombre de sept signifie perfection en l’Ecriture ; ainsi il est propre pour dénoter la perpétuité. Aussi il nous admoneste que notre repos spirituel n’est sinon commencé durant cette vie présente et ne sera point parfait jusqu’à ce que nous sortions de ce monde.
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Section XXVII
- M : Mais que veut dire la raison qu’allègue ici notre Seigneur, qu’il nous faut reposer comme il a fait ?
E : Après avoir créé toutes ses oeuvres en six jours, il a dédié le septième à la considération d’icelles. Et pour nous mieux induire à ce faire, il nous allègue son exemple. Car il n’y a rien tant désirable que d’être conformes à lui.
Méditation des oeuvres de Dieu doit être continuelle
- M : Faut-il toujours méditer les oeuvres de Dieu, ou s’il suffit d’un jour la semaine ?
E : Cela se doit faire chacun jour, mais à cause de notre infirmité, il y en a un certain spécialement député. Et c’est la police que j’ai dite.
De la police des jours
- M : Quel ordre donc doit-on garder en ce jour ?
E : C’est que le peuple s’assemble pour être instruit en la vérité de Dieu, pour faire les prières communes et rendre témoignage de sa foi et religion.
- M : Comment entends-tu que ce commandement est donné aussi pour le soulagement des serviteurs ?
E : Pour donner quelque relâche à ceux qui sont en la puissance d’autrui. Et pareillement cela sert à la police commune, car chacun s’accoutume à travailler le reste du temps quand il y a un jour de repos.
- M : Maintenant disons comment ce commandement s’adresse à nous.
E : Touchant la cérémonie, elle est abolie (Colossiens 2.16), car nous avons l’accomplissement en Jésus-Christ.
- M : Comment ?
E : C’est que notre vieil homme est crucifié par la vertu de sa mort, et que par sa résurrection nous ressuscitons en nouveauté de vie (Romains 6.6).
- M : Qu’est-ce donc qui nous en reste ?
E : Que nous observions l’ordre constitué en l’Église pour ouïr la Parole du Seigneur, communiquer aux prières publiques et aux sacrements. Et que nous ne contrevenions pas à la police spirituelle qui est entre les fidèles.
- M : Et de la figure, ne nous profite-t-elle rien ?
E : Si fait bien. Car il nous la faut réduire à la vérité. C’est qu’étant vrais membres de Christ, nous délaissions nos oeuvres propres pour nous permettre à son gouvernement.
Le cinquième commandement
- M : Venons à la seconde table.
E : « Honore ton père et ta mère. »
Que c’est qu’honorer père et mère
- M : Qu’entends-tu par honorer ?
E : Que les enfants soient humbles et obéissants à leurs pères et mères, leur portent honneur et révérence, leur assistent et soient à leur commandement, comme ils y sont tenus.
- M : Poursuis plus outre.
E : Dieu ajoute une promesse à ce commandement, disant : « afin que tes jours soient prolongés sur la terre, laquelle le Seigneur ton Dieu te donne ».
- M : Que veut dire cela ?
E : Que Dieu donnera longue vie à ceux qui rendront au père et à la mère l’honneur qui leur est dû.
Vie longue
- M : Vu que cette vie est tant pleine de misères, comment est-ce que Dieu promet à l’homme, pour une grâce, qu’il le fera vivre longuement ?
E : La vie terrienne, quelque misérable qu’elle soit, est une bénédiction de Dieu à l’homme fidèle, et ne fût-ce sinon d’autant que Dieu lui testifie sa dilection paternelle, l’entretenant en icelle.
- M : S’ensuit-il au contraire que l’homme qui meurt tôt soit maudit de Dieu ?
E : Non. Et même, il adviendra quelquefois que le Seigneur retirera plus tôt de ce monde ceux qu’il aimera le plus.
Biens terriens avec condition
- M : En ce faisant, comment garde-t-il sa promesse ?
E : Tout ce que Dieu nous promet des biens terriens, il nous le faut prendre avec condition, en tant qu’il est expédient pour notre salut spirituel. Car ce serait pauvre chose, si cela n’allait toujours devant.
Punition des enfants désobéissants
- M : Et de ceux qui seront rebelles à père et à mère ?
E : Non seulement Dieu les punira au jour du jugement, mais il en fera aussi la vengeance sur leurs corps, soit en les faisant mourir devant leurs jours, ou ignominieusement, ou en quelque autre sorte.
- M : Parle-t-il nommément de la terre de Chanaan en cette promesse ?
E : Oui bien, quant aux enfants d’Israël, mais il nous faut maintenant prendre ce mot plus généralement. Car en quelque pays que nous demeurions, puisque la terre est sienne, il nous y donne notre habitation (Psaumes 24.1 ; 89.12 ; 115.16).
- M : Est-ce cela tout le commandement ?
E : Combien qu’il ne soit parlé que de père et de mère, toutefois il faut entendre tous supérieurs, puisqu’il y a une même raison.
- M : Et quelle ?
E : C’est que Dieu leur a ordonné la prééminence. Car il n’y a autorité ni de pères, ni de princes, ni de tous autres supérieurs, sinon comme Dieu l’a ordonné (Romains 13.1).
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Section XXIX
Le sixième commandement
- M : Dis le sixième commandement.
E : « Tu ne tueras point ».
- M : Ne défend-il, sinon d’être meurtrier ?
E : Si fait bien. Car puisque c’est Dieu qui parle, non seulement il nous impose loi sur les oeuvres extérieures, mais principalement sur les affections de notre coeur.
- M : Tu entends donc qu’il y a une espèce de meurtre intérieur que Dieu nous défend ici.
E : Voire : qui est haine et rancune, et cupidité de mal faire à notre prochain.
- M : Suffit-il de ne point haïr et ne point porter mauvaise affection ?
E : Non. Car Dieu, en condamnant la haine, signifie qu’il requiert que nous aimions nos prochains et procurions leur salut, et le tout de vraie affection et sans feintise.
Le septième commandement
- M : Dis le septième commandement.
E : « Tu ne paillarderas point. »
Toute paillardise est maudite
- M : Quelle est la somme ?
E : Que toute paillardise est maudite de Dieu, et pourtant qu’il nous en faut abstenir si nous ne voulons provoquer son ire contre nous.
Nature du législateur
- M : Ne requiert-il autre chose ?
E : II nous faut toujours regarder la nature du législateur, lequel ne s’arrête pas seulement à l’oeuvre extérieure, mais demande l’affection du coeur.
- M : Qu’est-ce que donc qu’il emporte ?
E : Puisque nos corps et nos âmes sont temples du Saint-Esprit (1 Corinthiens 3.16 ; 6.15 ; 2 Corinthiens 6.16), que nous les conservions en toute honnêteté. Et ainsi que nous soyons chastes non seulement de fait, mais aussi de désirs, de paroles et de gestes, tellement qu’il n’y ait nulle partie de nous souillée d’impudicité.
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Section XXX
Le huitième commandement
- M : Venons au huitième.
E : « Tu ne déroberas point. »
Larcin
- M : Veut-il seulement défendre les larcins qu’on punit par justice, ou s’il s’étend plus loin ?
E : Il entend tous mauvais trafics et moyens déraisonnables d’attirer à nous le bien de notre prochain, soit par violence, ou cautèle, ou en quelque autre sorte que Dieu n’ait point approuvée.
Larcin intérieur
- M : Est-ce assez de s’abstenir du fait, ou si le vouloir y est aussi compris ?
E : Il faut toujours là revenir : d’autant que le Législateur est spirituel, qu’il ne parle pas simplement des larcins extérieurs, mais aussi bien des entreprises, volontés et délibérations de nous enrichir au détriment de notre prochain.
- M : Que faut-il donc ?
E : Faire notre devoir de conserver à un chacun le sien.
Le neuvième commandement
- M : Quel est le neuvième ?
E : « Tu ne diras point faux témoignage contre ton prochain. »
Doctrine générale du jugement
- M : Nous défend-il de nous parjurer en jugement, ou du tout de mentir contre notre prochain ?
E : En nommant une espèce, il baille une doctrine générale, que nous ne médisions pas faussement contre notre prochain et que, par nos détractions et mensonges, nous ne le blessions point en ses biens, ni en sa renommée.
- M : Pourquoi notamment parte-t-il des parjures publiques ?
E : Pour nous faire avoir en plus grande horreur ce vice de médire et détracter, dénotant que quiconque s’accoutume à faussement calomnier et diffamer son prochain, viendra bien puis après à se parjurer en jugement.
- M : Ne défend-il sinon de mal parler, ou s’il comprend aussi mal penser ?
E : L’un et l’autre, selon la raison dessus alléguée. Car ce qui est mauvais de faire devant les hommes, est mauvais de vouloir devant Dieu.
- M : Récite donc qu’il veut dire en somme.
E : Il nous enseigne de n’être pas enclins à mal juger ni détracter, mais plutôt à bien estimer de nos prochains, tant que la vérité le porte, et conserver leur bonne renommée en nos paroles.
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Section XXXI
Le dixième commandement
- M : Venons au dernier commandement.
E : « Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain, tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa chambrière, ni son boeuf, ni son âne, ni rien qui lui appartienne. »
- M : Vu que toute la Loi est spirituelle, comme tu as dit, et que les autres commandements ne sont pas seulement pour régler les oeuvres extérieures, mais aussi les affections du coeur, qu’est-ce qui est ici dit davantage ?
E : Le Seigneur a voulu par les autres commandements ranger nos affections et volontés ; ici il veut aussi imposer loi à nos pensées, lesquelles emportent quelque convoitise et désir, et toutefois ne viennent pas jusqu’à un vouloir arrêté.
Toute tentation est vice
- M : Entends-tu que la moindre tentation qui pourrait venir en pensée à l’homme fidèle soit péché, encore qu’il y résiste et n’y consente nullement ?
E : Il est certain que toutes pensées mauvaises procèdent de l’infirmité de notre chair, encore que le consentement n’y soit pas. Mais je dis que ce commandement parle des concupiscences qui chatouillent et poignent le coeur de l’homme sans venir jusqu’à propos délibéré.
- M : Tu dis donc que, comme les affections mauvaises qui emportent volonté certaine et comme résolue om été ci-dessus condamnées, aussi que maintenant le Seigneur requiert une telle intégrité qu’il n’entre en nos coeurs quelque mauvaise cupidité pour les solliciter et émouvoir à mal.
E : C’est cela.
La somme de la Loi
- M : Ne pouvons-nous pas maintenant faire un sommaire de toute la Loi ?
E : Si faisons, la réduisant à deux articles, dont le premier est : « Que nous aimions notre Dieu de tout notre coeur, de toute notre âme et de toutes nos forces. » Item : « notre prochain comme nous-mêmes ».
- M : Qu’est-ce qu’emporte l’amour de Dieu ?
E : Si nous l’aimons comme Dieu, c’est pour l’avoir et tenir comme Seigneur, Maître, Sauveur et Père, ce qui requiert crainte, honneur, fiance, obéissance avec l’amour.
Aimer Dieu de tout son cour, etc.
- M : Que signifie « de tout notre coeur, notre âme et nos forces » ?
E : C’est-à-dire d’un tel zèle et d’une telle véhémence qu’il n’y ait en nous nul désir, nulle volonté, nulle étude, nulle cogitation, qui contrevienne à cet amour.
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Section XXXII
- M : Quel est le sens du second article ?
E : C’est que, comme nous sommes si enclins naturellement à nous aimer, que cette affection surmonte toutes les autres, aussi que la charité de nos prochains domine tellement en nos coeurs qu’elle nous mène et conduise et soit la règle de toutes nos pensées et nos oeuvres.
Que signifie le prochain
- M : Et qu’entends-tu par « nos prochains » ?
E : Non seulement nos parents et amis, ou ceux qui ont accointance avec nous, mais aussi ceux que nous ne connaissons pas, et même nos ennemis.
- M : Quelle conjonction ont-ils avec nous ?
E : Telle que Dieu a mise entre tous les hommes de la terre, laquelle est inviolable, et ainsi ne se peut abolir par la malice de personne.
- M : Tu dis donc que si quelqu’un nous hait, cela est de son propre, mais cependant que selon l’ordre de Dieu il ne laisse point d’être notre prochain, et nous le faut tenir pour tel ?
E : Voire.
Nul ne s’acquitte envers la Loi
- M : Puisque la Loi contient la forme de bien servir à Dieu, l’homme chrétien ne doit-il pas vivre selon qu’elle commande ?
E : Si fait bien, mais il y a telle infirmité en tous, que nul ne s’en acquitte parfaitement.
- M : Pourquoi donc requiert le Seigneur une telle perfection qui est par-dessus notre faculté ?
E : II ne requiert rien à quoi nous ne soyons tenus. Au reste, moyennant que nous mettions peine de conformer notre vie à ce qui nous y est dit, encore que nous soyons bien loin d’atteindre jusqu’à la perfection, le Seigneur ne nous impute point ce qui défaut.
- M : Parles-tu en général de tous hommes, ou seulement des fidèles ?
E : L’homme qui n’est régénéré de l’Esprit de Dieu ne pourrait commencer à faire le moindre point qui y soit. Davantage, encore qu’il s’en trouvât un qui en fit quelque partie, si ne serait-il pas quitte pourtant. Car notre Seigneur dénonce que tous ceux qui ne parferont entièrement le contenu d’icelle seront maudits (Deutéronome 27.26 ; Galates 3.10).
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Section XXXIII
- M : Par cela il faut conclure que la Loi a double office, selon qu’il y a deux espèces d’hommes.
E : Voire. Car envers les incrédules elle ne sert sinon de les redarguer et rendre plus inexcusables devant Dieu (Romains 3.19-20). Et c’est ce que dit saint Paul, qu’elle est ministère de mort et damnation (2 Corinthiens 3.6-9). Envers les fidèles elle a un bien autre usage.
L’office de la Loi
- M : Quel ?
E : Premièrement, d’autant qu’elle leur démontre qu’ils ne se peuvent justifier par leurs oeuvres, en les humiliant, elle les dispose à chercher leur salut en Jésus-Christ (Romains 5.18-21) ; puis après, en tant qu’elle requiert plus qu’il ne leur est possible de faire, elle les admoneste de prier le Seigneur qu’il leur donne la force et le pouvoir (Galates 4.6), et cependant de se reconnaître toujours coupables, afin de ne s’enorgueillir point. Tiercement, elle leur est comme une bride pour les retenir en la crainte de Dieu.
- M : Nous dirons donc que combien que durant cette vie mortelle nous n’accomplissions jamais la Loi, toutefois ce n’est pas chose superflue qu’elle requiert de nous une telle perfection. Car elle nous montre le but où nous devons tendre, afin qu’un chacun de nous, selon la grâce que Dieu lui a faite, s’efforce assidûment d’y tendre et s’avancer de jour en jour.
E : Je l’entends ainsi.
Obéissance de la Loi
- M : En la Loi n’avons-nous pas une règle parfaite de tout bien ?
E : Si, tellement que Dieu ne demande sinon que nous la suivions ; au contraire désavoue et rejette tout ce que l’homme entreprend de faire outre le contenu d’icelle. Car il ne demande autre sacrifice qu’obéissance (1 Samuel 15.22 ; Jérémie 7.21-23).
- M : De quoi servent donc toutes les admonitions, remontrances, commandements, exhortations que font tant les Prophètes que les Apôtres ?
E : Ce ne sont que pures déclarations d’icelle, qui ne sont pas pour nous détourner de son obéissance, mais plutôt nous y conduire.
- M : Et toutefois si ne traite-t-elle pas les vocations particulières ?
E : Quand elle dit qu’il faut rendre à chacun ce qui lui appartient, de cela nous pouvons bien conclure quel est le devoir de notre état, chacun à son endroit. Et puis nous avons, comme dit a été, l’exposition par toute l’Ecriture. Car, ce que le Seigneur a ici couché en somme, il le traite çà et là pour plus ample instruction.
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Section XXXIV
III. D’ORAISON
Le troisième point de bien honorer Dieu
- M : Puisque nous avons suffisamment parlé du service de Dieu, qui est la seconde partie de l’honorer, parlons de la troisième.
E : Nous avons dit que c’est de l’invoquer en toutes nos nécessités.
- M : Entends-tu qu’il le faille invoquer seul ?
E : Oui, car il demande cela comme un honneur propre à sa Divinité.
- M : Si ainsi est, en quelle sorte nous est-il loisible de requérir les hommes en notre aide ?
E : Ce sont bien choses différentes. Car nous invoquons Dieu pour protester que nous n’attendons aucun bien que de lui et que nous n’avons ailleurs recours, cependant nous cherchons l’aide des hommes, en tant qu’il le nous permet et leur donne le pouvoir et moyen de nous aider.
- M : Tu entends que ce que nous demandons secours des hommes ne contrevient pas à ce que nous devons invoquer un seul Dieu, vu que nous ne mettons pas notre fiance en eux et ne les cherchons, sinon en tant que Dieu les a ordonnés ministres et dispensateurs de ses biens pour nous en subvenir ?
E : Il est vrai. Et de fait, tout ce qui nous en vient de bien, il nous le faut prendre comme de Dieu même, ainsi qu’à la vérité il le nous envoie par leurs mains.
- M : Et ne nous faut-il pas néanmoins reconnaître envers les hommes le bien qu’ils nous font ?
E : Si fait bien, et ne fût-ce que parce que Dieu leur fait cet honneur de nous communiquer ses biens par leurs mains. Car en ce faisant il nous oblige à eux et veut que nous leur soyons attenus.
De l’invocation des saints
- M : De cela pouvons-nous pas bien conclure qu’il n’est licite d’invoquer anges ni saints qui sont décédés de ce monde ?
E : Oui bien. Car des saints, Dieu ne leur a pas attribué cet office de nous aider et subvenir. Touchant des anges, combien qu’il les emploie pour servir à notre salut, toutefois si ne veut-il pas que nous les invoquions, ni que nous ayons notre adresse à eux.
Signe d’infidélité
- M : Tu dis donc que tout ce qui ne convient à l’ordre que le Seigneur a mis contrevient à sa volonté ?
E : Voire. Car si nous ne nous contentons de ce que le Seigneur nous donne, cela est un certain signe d’infidélité. Davantage, si au lieu d’avoir notre refuge à Dieu seul, suivant son commandement, nous recourons à eux, mettant en eux quelque partie de notre fiance, c’est idolâtrie, en tant que nous leur transférons ce que Dieu s’était réservé.
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Section XXXV
- M : Disons maintenant de la manière de prier Dieu. Suffit-il le faire de langue ou si l’esprit et le coeur y est requis ?
E : La langue n’y est pas toujours nécessaire. Mais il faut qu’il y ait intelligence et affection.
Il faut prier de coeur
- M : Comment le prouveras-tu ?
E : Puisque Dieu est Esprit, il demande toujours le coeur, et singulièrement en oraison, où il est question de communiquer avec lui. Pourtant, il ne promet d’être prochain, sinon à ceux qui l’invoqueront en vérité (Psaumes 145.18) ; au contraire, il maudit tous ceux qui le font par hypocrisie et sans affection (Ésaïe 29.13-14).
- M : Toutes prières donc faites seulement de bouche sont superflues ?
E : Non seulement superflues, mais aussi déplaisantes à Dieu.
- M : Quelle affection doit être en la prière ?
E : Premièrement, que nous sentions notre misère et pauvreté, et que ce sentiment cause en nous une fâcherie et angoisse ; puis, que nous ayons un désir véhément d’obtenir grâce devant Dieu, lequel désir enflambe nos coeurs et engendre en nous une ardeur de prier.
- M : Cela procède-t-il de notre nature, ou de la grâce de Dieu ?
E : Il faut que Dieu y besogne. Car nous sommes trop stupides, mais l’Esprit de Dieu nous incite à gémissements inénarrables et forme en nos coeurs telle affection et tel zèle que Dieu demande, comme dit saint Paul (Romains 8.26 ; Galates 4.6).
- M : Est-ce à dire que nous ne devions pas nous inciter et solliciter à prier Dieu ?
E : Non. Mais au contraire, afin que quand nous ne sentons pas en nous telle disposition, que nous suppliions le Seigneur qu’il y mette pour nous rendre capables et idoines à le prier dûment.
- M : Tu n’entends pas toutefois que la langue soit du tout inutile en prières ?
E : Non pas. Car quelquefois elle aide l’esprit et le retient, le fortifiant à ce qu’il ne se détourne pas si tôt de Dieu. Davantage, puisqu’elle est formée pour glorifier Dieu, pardessus tous les autres membres, c’est bien raison qu’elle s’y emploie en toutes sortes, et aussi le zèle du coeur, par son ardeur et véhémence, contraint souvent la langue à parler sans qu’on y pense.
- M : Si ainsi est, qu’est-ce de prier en langue inconnue ?
E : C’est une moquerie de Dieu, et une hypocrisie perverse (1 Corinthiens 14).
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Section XXXVI
Il faut prier avec certaine fiance
- M : Quand nous prions Dieu, est-ce à l’aventure, ne sachant point si nous profiterons, ou non ? Ou bien, si nous devons être certains que nos prières seront exaucées ?
E : Il nous faut toujours avoir ce fondement en nos prières qu’elles seront reçues de Dieu et que nous obtiendrons ce que nous requérons, en tant qu’il sera expédient. Et pourtant, dit saint Paul, que la droite invocation procède de la foi (Romains 10.14). Car si nous n’avons fiance en la bonté de Dieu, il nous est impossible de l’invoquer en vérité.
- M : Et que sera-ce de ceux qui doutent et ne savent si Dieu les écoute ou non ?
E : Leurs prières sont du tout frivoles, d’autant qu’elles n’ont nulle promesse. Car il est dit que nous demandions en croyant et qu’il nous sera octroyé (Matthieu 21.22 ; Marc 11.24).
- M : Il reste de savoir comment et à quel titre nous pouvons avoir la hardiesse de nous présenter devant Dieu, vu que nous en sommes par trop indignes.
E : Premièrement, nous avons les promesses auxquelles il nous faut arrêter, sans considérer notre dignité (Psaumes 50.15 ; 91.3 ; 145.18 ; Ésaïe 30.15 ; 65.24 ; Jérémie 29.12 ; Joël 3.5) (36). Secondement, si nous sommes enfants de Dieu, il nous induit et pousse par son Saint-Esprit à nous retirer familièrement à lui, comme à notre Père (Matthieu 9.2, 22 et alibi). Et afin que nous ne craignions pas de comparaître devant sa Majesté glorieuse, nous qui ne sommes que pauvres vers de terre et misérables pécheurs, il nous donne notre Seigneur Jésus pour Médiateur (1 Timothée 2.5 ; Hébreux 4.16 ; 1 Jean 2.1), afin que par son moyen ayant accès, nous ne doutions point de trouver grâce.
Il ne faut prier qu’au Nom de Christ
- M : Entends-tu qu’il ne nous faille invoquer Dieu qu’au Nom de Jésus-Christ ?
E : Je l’entends ainsi. Car nous en avons le commandement exprès. Et en ce faisant nous est promis que par la vertu de son intercession nos requêtes nous seront octroyées (Jean 14.13).
- M : Ce n’est point donc témérité, ni folle présomption, de nous oser adresser privément à Dieu, moyennant que nous ayons Jésus-Christ pour notre avocat, et que nous le mettions en avant, afin que Dieu, par son moyen, nous ait agréables et nous exauce ?
E : Non. Car nous prions comme par sa bouche, d’autant qu’il nous donne entrée et audience et intercède pour nous (Romains 8.34).
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Section XXXVII
- M : Parlons maintenant de la substance de nos oraisons. Pouvons-nous demander tout ce qui nous vient en l’entendement, ou s’il y a quelque certaine règle là-dessus ?
E : Si nous suivions notre fantaisie, nos oraisons seraient bien mal réglées. Car nous sommes si ignorants que nous ne pouvons pas juger ce qui est bon de demander, aussi nos désirs sont si désordonnés qu’il est bon métier que ne leur lâchions point la bride.
- M : Que faut-il donc ?
E : Que Dieu même nous enseigne, selon qu’il connaît être expédient, et quasi qu’il nous conduise par la main, et que nous ne fassions que suivre.
- M : Quelle instruction nous en a-t-il baillée ?
E : Par toute l’Ecriture il nous l’a baillée très ample. Mais, afin de nous mieux adresser à un certain but, il a donné un formulaire auquel il a brièvement compris tous les points qu’il nous est licite et expédient de demander.
L’oraison chrétienne que nous a apprise notre Seigneur
- M : Récite-le.
E : C’est que notre Seigneur Jésus, étant requis de ses disciples qu’il les enseignât de prier, leur répond qu’ils auront à dire ainsi (Matthieu 6.9-13 ; Luc 11.1-4) :
Notre Père, qui es aux cieux ;
ton Nom soit sanctifié ;
ton Règne advienne ;
ta volonté soit faite en la terre comme au ciel ;
donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ;
pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ;
et ne nous induis point en tentation, mais nous délivre du mal.
Car à toi est le Règne, la gloire et la puissance, aux siècles des siècles. Amen.
La division de l’oraison dominicale
- M : Pour plus facile intelligence, dis-moi combien d’articles elle contient.
E : Six, dont les trois premiers regardent la gloire de Dieu, sans quelque considération de nous-mêmes, les autres sont pour nous et concernent notre bien et profit.
- M : Comment donc ? Faut-il demander quelque chose à Dieu dont il ne nous revienne nulle utilité ?
E : Il est vrai que par sa bonté infinie, il dispose et ordonne tellement toutes choses que rien ne peut être à la gloire de son Nom, qui ne nous soit même salutaire. Ainsi, quand son Nom est sanctifié, il nous tourne cela en sanctification ; quand son Règne advient, nous en sommes aucunement participants. Mais en désirant et demandant ces choses, ilnous faut avoir seulement égard à son honneur, sans penser à nous aucunement, ni chercher notre profit.
- M : Selon ton dire, ces trois premières requêtes nous sont bien utiles, mais il ne les faut faire à autre intention, sinon pour désirer que Dieu soit glorifié.
E : Voire. Et semblablement, jà soit que les trois dernières soient députées à désirer ce qui nous est expédient, toutefois la gloire de Dieu nous doit être en icelles recommandées, tellement que ce soit la fin de tous nos désirs.
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Section XXXVIII
Qu’emporte le mot de « Père » en Dieu
- M : Venons à l’exposition. Et devant qu’entrer plus avant, pourquoi est ici Dieu appelé « notre Père », plutôt qu’autrement ?
E : D’autant qu’il est bien requis que nos consciences soient fermement assurées, quand il est question de prier, notre Dieu se nomme d’un mot qui n’emporte que douceur et gracieuseté, pour nous ôter tout doute et perplexité et nous donner hardiesse de venir privément à soi.
- M : Oserons-nous bien donc nous retirer familièrement à Dieu, comme un enfant à son père ?
E : Oui, voire avec plus grande certitude d’obtenir ce que nous demanderons. Car si nous qui sommes mauvais ne pouvons refuser à nos enfants le pain et la viande quand ils nous demandent, tant moins le fera notre Père céleste qui non seulement est bon, mais est la souveraine bonté (Matthieu 7.11).
- M : De ce Nom même ne pouvons-nous pas bien prouver ce qui a été dit, que la prière doit être fondée en l’intercession de Jésus-Christ ?
E : Oui pour certain, d’autant que Dieu ne nous avoue pour ses enfants, sinon en tant que nous sommes membres de son Fils.
Notre
- M : Pourquoi n’appelles-tu pas Dieu « ton Père », mais l’appelles « notre », en commun ?
E : Chacun fidèle le peut bien nommer sien en particulier, mais en ce formulaire Jésus-Christ nous enseigne de prier en commun, pour nous admonester que nous devons exercer notre charité envers nos prochains en priant, et non pas seulement avoir le soin de nous.
- M : Que veut dire cette particule « qui es aux cieux » ?
E : C’est autant, comme si je l’appelais haut, puissant, incompréhensible.
- M : Comment cela ? Et pour quelle fin ?
E : Afin qu’en l’invoquant, nous apprenions d’élever en haut nos pensées pour ne rien imaginer de lui charnel, ni terrien et ne le mesurer à notre appréhension, ni l’assujettir à notre volonté, mais adorer en humilité sa Majesté glorieuse, et aussi pour avoir plus certaine fiance en lui, en tant qu’il est Gouverneur et Maître de tout.
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Section XXXIX
Première requête : comment le Nom de Dieu est sanctifié
- M : Expose maintenant la première demande.
E : Le Nom de Dieu est sa renommée, de laquelle il est célébré entre les hommes. Nous désirons donc que sa gloire soit exaltée par tout et en toutes choses.
- M : Entends-tu qu’elle puisse croître ou diminuer ?
E : Non pas en soi-même. Mais c’est-à-dire qu’elle soit manifestée comme elle doit, et quelque chose que Dieu fasse, que toutes ses Oeuvres apparaissent glorieuses comme elles sont, tellement qu’en toutes sortes il soit glorifié.
La deuxième requête : où gît le Règne de Dieu
- M : En la seconde requête, qu’entends-tu par « le Règne de Dieu » ?
E : Il consiste principalement en deux points. C’est de conduire les siens et gouverner par son Esprit ; au contraire, d’abîmer et confondre les réprouvés, qui ne se veulent rendre sujets à sa domination, afin que clairement il apparaisse qu’il n’y a nulle puissance qui puisse résister à la sienne.
Règne de Christ
- M : Comment pries-tu que ce Règne advienne ?
E : C’est que de jour en jour le Seigneur multiplie le nombre de ses fidèles, qu’il augmente de jour en jour ses grâces sur eux jusqu’à ce qu’il les ait du tout remplis, qu’il éclaircisse aussi de plus en plus sa vérité, qu’il manifeste sa justice, dont Satan et les ténèbres de son règne soient confondus, et que toute iniquité soit détruite et abolie.
Perfection du Règne de Christ
- M : Cela ne se fait-il pas dès à présent ?
E : Si fait bien, en partie. Mais nous désirons que continuellement il croisse et soit avancé jusqu’à ce qu’il vienne finalement à sa perfection, qui sera au jour du jugement, auquel Dieu sera exalté seul, et toute créature sera humiliée sous sa grandeur ; même il sera tout en toutes choses (1 Corinthiens 15.28).
La troisième requête : comment la volonté de Dieu doit être accomplie
- M : Comment requiers-tu que la volonté de Dieu soit faite ?
E : Que toutes créatures lui soient sujettes pour lui rendre obéissance et ainsi que tout se fasse selon son bon plaisir.
- M : Entends-tu que rien se puisse faire contre sa volonté ?
E : Nous requérons non pas seulement qu’il amène toutes choses à tel point que ce qu’il a déterminé en son conseil advienne, mais que toute rébellion abattue, il range toutes volontés à la sienne seule.
Renouvellement
- M : En ce faisant, ne renonçons-nous pas à nos propres volontés ?
E : Si faisons, et non seulement afin qu’il renverse nos désirs qui contreviennent à son bon plaisir, les rendant vains et de nul effet, mais aussi qu’il crée en nous nouveaux esprits et nouveaux coeurs, tellement que nous ne voulions rien de nous-mêmes, mais que son Esprit veuille en nous pour nous faire pleinement consentir avec lui.
Volonté de Dieu faite au ciel
- M : Pourquoi ajoutes-tu « en la terre comme au ciel » ?
E : D’autant que ses créatures célestes, qui sont ses anges, ne cherchent qu’à lui obéir paisiblement, sans quelque contrariété, nous désirons que le semblable se fasse en terre, c’est que tous hommes se rangent en obéissance volontaire.
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Section XLI
La quatrième requête : que c’est que demander notre pain quotidien ?
- M : Venons à la seconde partie. Qu’entends-tu par le pain quotidien que tu demandes ?
E : Généralement tout ce qui fait besoin à l’indigence de notre corps, non seulement quant à la nourriture et vêture, mais tout ce que Dieu connaît nous être expédient à ce que puissions manger notre pain en paix.
Dieu bénit le labeur
- M : Comment demandes-tu à Dieu qu’il te donne ta nourriture, vu qu’il nous commande de la gagner au travail de nos mains ?
E : Combien qu’il nous faille travailler pour vivre, toutefois si est-ce que notre labeur, industrie et diligence ne nous nourrissent pas, mais la seule bénédiction de Dieu, laquelle est sur nos mains et notre labeur pour le faire prospérer. Et davantage, il nous faut entendre que ce ne sont pas les viandes qui nous nourrissent, encore que nous les ayons à commandement, mais la vertu du Seigneur qui use d’icelles comme d’instrument, tant seulement (Deutéronome 8.3, 17).
- M : Pourquoi l’appelles-tu tien, puisque tu demandes qu’il te soit donné ?
E : C’est par la bonté de Dieu qu’il est fait nôtre, encore qu’il ne nous soit point dû. Et aussi par cela nous sommes avertis de ne désirer le pain d’autrui, mais celui que nous aurons acquis par moyen légitime, selon l’ordonnance de Dieu.
Pain quotidien
- M : Pourquoi dis-tu « quotidien » et « aujourd’hui » ?
E : Cela est pour nous apprendre d’avoir contentement et ne point appéter plus que notre nécessité requiert.
- M : Vu que cette prière est commune à tous, comment les riches, qui ont provision et abondance de biens pour longtemps, peuvent-ils demander pour un jour ?
E : Il faut que tant riches que pauvres entendent que tout ce qu’ils ont ne leur peut de rien profiter, sinon en tant que le Seigneur leur en donne l’usage et fait par sa grâce qu’il nous soit profitable. Ainsi en ayant, nous n’avons rien, sinon d’autant qu’il le nous donne.
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Section XLII
La cinquième demande
- M : Que contient la cinquième demande ?
E : Qu’il plaise à Dieu nous pardonner nos péchés.
Il n’y a si saint qui n’ait métier que Dieu lui pardonne
- M : N’y a-t-il homme vivant si juste qui n’ait métier de le faire ?
E : Non. Car le Seigneur Jésus a donné cette forme à ses apôtres pour son Église. Ainsi, quiconque s’en voudrait exempter renoncerait à la communauté des chrétiens. Et de fait, l’Ecriture nous testifie que le plus parfait, voulant alléguer un point à Dieu pour se justifier, sera trouvé coupable en mille (Job 9.2-3). Il faut donc que nous ayons tous notre refuge à sa miséricorde.
Quelle est la rémission des péchés
- M : Comment entends-tu que cette rémission nous soit faite ?
E : Comme les paroles même dont Jésus-Christ a usé le montrent, c’est que les péchés sont dettes, lesquelles nous tiennent obligés à condamnation de mort éternelle. Nous demandons que Dieu nous en acquitte par sa pure libéralité.
- M : Tu entends donc que nous obtenons rémission de nos péchés par la bonté gratuite de Dieu ?
E : Voire. Car nous ne pouvons nullement satisfaire pour la moindre faute que nous ayons commise, si Dieu n’use envers nous de sa pure libéralité, en nous les remettant toutes.
Fruit du pardon des péchés
- M : Quand Dieu nous a pardonné nos péchés, quel fruit et utilité nous en revient ?
E : Par ce moyen, nous lui sommes agréables, comme si nous étions justes et innocents, et nos consciences sont assurées de sa dilection paternelle envers nous, d’où vient salut et vie.
Pardon des fautes est gratuit
- M : Quand tu demandes qu’il nous pardonne comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés, entends-tu qu’en pardonnant aux hommes, que nous méritions pardon de lui ?
E : Non pas. Car le pardon ne serait plus gratuit, et ne serait pas fondé en la satisfaction, qui a été en la mort de Jésus-Christ, comme il doit être. Mais en tant qu’en oubliant les injures qu’on nous fait, nous ensuivons sa douceur et clémence, et ainsi nous démontrons être ses enfants, il nous donne cette enseigne pour nous certifier. Et d’autre part, il nous signifie qu’il ne nous faut attendre en son jugement que toute sévérité et extrême rigueur, si nous ne sommes faciles à pardonner et faire grâce à ceux qui sont coupables envers nous.
Désavoués enfants de Dieu
- M : Tu entends donc que Dieu désavoue ici pour ses enfants ceux qui ne peuvent oublier les offenses qu’on leur fait, afin qu’ils ne s’attendent pas d’être participants de cette grâce ?
E : Voire. Et que tous sachent qu’à la même mesure qu’ils auront fait à leurs prochains, il leur sera rendu.
La sixième requête
- M : Qu’est-ce qui s’ensuit ?
E : « Ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du mal ».
- M : Ne fais-tu qu’une requête de cela ?
E : Non, car le second membre est exposition du premier.
- M : Quel est la substance d’icelle ?
E : Que Dieu ne nous laisse point trébucher au mal et ne permette que nous soyons vaincus du diable et des mauvaises concupiscences de notre chair, lesquelles bataillent contre nous (Romains 7.23), mais qu’il nous donne la force de résister, nous soutenant de sa main et nous ayant en sa sauvegarde pour nous défendre et conduire.
- M : Comment cela se fait-il ?
E : Quand par son Esprit il nous gouverne pour nous faire aimer le bien et haïr le mal, suivre sa justice et fuir le péché. Car par la vertu du Saint-Esprit nous surmontons le diable, le péché et la chair.
- M : Cela est-il nécessaire à tous ?
E : Oui. Car le diable veille toujours sur nous, comme un lion rugissant, prêt à nous dévorer (1 Pierre 5.8), et nous sommes si faibles et fragiles qu’il nous aurait incontinent abattus si Dieu ne nous fortifiait pour en avoir la victoire.
Tentation
- M : Que signifie le mot de « tentation » ?
E : Les astuces et tromperies du diable dont il use pour nous surprendre, selon que notre sens naturel est enclin à être déçu, et nous décevoir, et notre volonté est plutôt prête de s’adonner au mal qu’au bien.
- M : Mais pourquoi demandes-tu à Dieu qu’il ne t’induise point au mal, vu que cela est le propre office du diable ?
E : Comme Dieu, par sa miséricorde, conserve ses fidèles, et ne permet que le diable les séduise, ni que le péché les surmonte, aussi ceux qu’il veut punir, non seulement il les abandonne et retire sa grâce d’eux, mais aussi les livre au diable pour être sujets à sa tyrannie, les aveugle et les met en sens réprouvé.
- M : Que veut dire cette addition : « car à toi est le Règne, la gloire et la puissance, aux siècles des siècles » ?
E : Pour nous réduire derechef en mémoire que nos oraisons sont plutôt fondées en Dieu et en sa puissance et bonté que non pas en nous, qui ne sommes pas dignes d’ouvrir la bouche pour le requérir. Et aussi pour nous apprendre de clore toutes nos prières par sa louange.
- M : N’est-il licite de demander autre chose, sinon ce qui a été récité ?
E : Combien qu’il nous soit libre d’user d’autres paroles et d’autre forme et manière, si est-ce que nulle oraison ne sera jamais agréable à Dieu laquelle ne se rapporte à celle-ci, comme à la règle unique de bien prier.
IV. DES SACREMENTS
La quatrième espèce de vrai honneur de Dieu
- M : Il est temps de venir au quatrième membre de l’honneur que nous devons rendre à Dieu.
E : Nous avons dit que c’est de le reconnaître de coeur et confesser de bouche auteur de tous biens pour le glorifier.
- M : Ne nous a-t-il pas baillé quelque règle pour ce faire ?
E : Toutes les louanges et actions de grâces contenues en l’Ecriture nous doivent être pour règle et enseignement.
- M : N’en a-t-il rien été touché en l’oraison ?
E : Si a bien. Car en désirant que son Nom soit sanctifié, nous désirons que toutes ses oeuvres apparaissent glorieuses, comme elles le sont. Tellement que soit qu’il punisse, il soit tenu pour juste, soit qu’il pardonne, pour miséricordieux, soit qu’il accomplisse ses promesses, pour véritable. En somme, qu’il n’y ait du tout rien en quoi sa gloire ne reluise. Cela est lui attribuer la louange de tous biens.
- M : Que conclurons-nous de tout ce qu’avons dit ?
E : Ce que témoigne la vérité et qui a été touché au commencement, à savoir que cette est la vie éternelle, de connaître le vrai Dieu et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ (Jean 17.3), le connaître, dis-je, pour l’honorer dûment, afin qu’il nous soit non seulement Maître et Seigneur, mais aussi Père et Sauveur (Matthieu 1.21), et que nous mutuellement lui soyons enfants, serviteurs et peuple dédié à sa gloire.
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Section XLV
Le salut nous est présenté par la Parole de Dieu
- M : Quel est le moyen de parvenir à un tel bien ?
E : Pour ce faire, il nous a laissé sa sainte Parole, laquelle nous est comme une entrée en son Royaume céleste.
- M : Où prends-tu cette Parole ?
E : Comme elle nous est comprise ès saintes Ecritures.
- M : Comment faut-il que nous en usions pour en avoir le profit ?
E : En la recevant en pleine certitude de conscience, comme vérité procédée du ciel, nous soumettant à icelle en droite obéissance, l’aimant de vraie affection et entière, l’ayant imprimée en nos coeurs pour la suivre et nous conformer à icelle.
- M : Tout cela est-il en notre puissance ?
E : Il n’y en a du tout rien. Mais c’est Dieu qui besogne en nous en telle sorte par son Saint-Esprit.
Il faut mettre peine d’apprendre
- M : Mais ne faut-il pas que nous mettions peine et diligence à ouïr et lire la doctrine, laquelle nous y est montrée ?
E : Oui bien. Et premièrement, que chacun en son particulier y travaille. Et surtout, que nous fréquentions les prédications, auxquelles cette Parole est exposée en l’assemblée des chrétiens.
- M : Entends-tu qu’il ne suffit pas de lire en sa maison, sinon que tous ensemble oyent une doctrine commune ?
E : Je l’entends ainsi, cependant que Dieu en donne le moyen.
- M : La raison ?
E : Parce que Jésus-Christ a établi cet ordre en son Église (Éphésiens 4.11), non pas pour deux ni pour trois, mais pour tous généralement, et a déclaré que c’est le seul moyen de l’édifier et entretenir. Ainsi il nous faut là tous ranger, et n’être pas plus sages que notre Maître.
Des pasteurs ecclésiastiques
- M : Est-ce donc chose nécessaire qu’il y ait des pasteurs ?
E : Oui, et qu’on les écoute, recevant en humilité la doctrine du Seigneur par leur bouche. Tellement que quiconque les méprise et refuse de les ouïr, il rejette Jésus-Christ et se sépare de la compagnie des fidèles (Matthieu 10.40 ; Luc 10.16).
- M : Mais suffit-il d’avoir une fois été instruit par eux, ou s’il faut continuer ?
E : Ce n’est rien de commencer si on ne poursuit et persévère toujours. Car jusqu’à la fin, il nous convient d’être toujours écoliers de Jésus-Christ. Et il a ordonné les ministres ecclésiastiques pour nous enseigner en son nom.
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Section XLVI
Des sacrements
- M : N’y a-t-il point d’autre moyen outre la Parole par lequel Dieu se communique à nous ?
E : Il a conjoint les sacrements avec la prédication de sa Parole.
- M : Qu’est-ce que sacrement ?
E : C’est un témoignage extérieur de la grâce de Dieu, qui par signe visible nous représente les choses spirituelles, afin d’imprimer plus fort en nos coeurs les promesses de Dieu et nous en rendre plus certains.
- M : Comment un signe visible et matériel a-t-il cette vertu de certifier la conscience ?
E : Non pas de soi-même, mais en tant qu’il est ordonné de Dieu à cette fin.
- M : Vu que c’est le propre office du Saint-Esprit de sceller les promesses de Dieu en nos coeurs, comment attribues-tu cela aux sacrements ?
E : Il y a grande différence entre l’un et l’autre. Car l’Esprit de Dieu à la vérité est celui seul qui peut toucher et émouvoir nos coeurs, illuminer nos entendements et assurer nos consciences, tellement que tout cela doit être jugé son oeuvre propre pour lui en rendre louange. Cependant le Seigneur s’aide des sacrements, comme d’instruments inférieurs, selon que bon lui semble, sans que la vertu de son Esprit en soit aucunement amoindrie.
- M : Tu entends donc que l’efficace des sacrements ne gît pas en l’élément extérieur, mais procède toute de l’Esprit de Dieu ?
E : Voire, selon que Dieu veut besogner par les moyens qu’il a institués, sans déroger à sa puissance.
Les sacrements nous sont donnés pour notre infirmité
- M : Et qui meut Dieu de faire cela ?
E : Pour le soulagement de notre infirmité. Car si nous étions de nature spirituelle, comme les anges, nous pourrions contempler spirituellement et lui et ses grâces. Mais ainsi que nous sommes enveloppés de nos corps, nous avons métier qu’il use de figures envers nous pour nous représenter les choses spirituelles et célestes. Car autrement nous ne les pourrions comprendre. Et aussi il nous est expédient que tous nos sens soient exercés en ses saintes promesses pour nous confirmer en icelles.
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Section XLVII
Les sacrements sont nécessaires
- M : Puisque Dieu a introduit les sacrements pour notre nécessité, ce serait orgueil et présomption de penser qu’on s’en peut passer.
E : Oui pour certain. Tellement que quiconque s’abstient volontairement de l’usage, pensant qu’il n’en a point de besoin, méprise Jésus-Christ, rejette sa grâce et éteint son Saint-Esprit.
- M : Mais quelle certitude de grâce peuvent donner les sacrements vu que bons et mauvais les reçoivent ?
E : Combien que les incrédules et méchants anéantissent la grâce qui leur est présentée par les sacrements, si ne s’ensuit-il pas que la propriété d’iceux ne soit telle.
L’effet des sacrements
- M : Comment donc et quand est-ce que les sacrements produisent leur effet ?
E : Quand on les reçoit en foi, cherchant seulement Jésus-Christ et sa grâce.
Chercher Jésus-Christ aux sacrements
- M : Pourquoi dis-tu que nous y devons chercher Jésus-Christ ?
E : Pour signifier qu’il ne nous faut pas amuser au signe terrien pour là chercher notre salut, et que ne nous faut pas imaginer qu’il y ait là quelque vertu enclose, mais au contraire que nous prenions le signe pour une aide qui nous conduise droitement au Seigneur Jésus, pour chercher en lui salut et tout bien.
Augmentation de foi par les sacrements
- M : Vu que la foi y est requise, comment dis-tu qu’ils nous sont donnés pour nous confirmer en foi, nous assurant des promesses de Dieu ?
E : Il ne suffit pas que la foi soit seulement commandée en nous pour une fois, mais faut qu’elle soit nourrie et entretenue, puis qu’elle croisse journellement et soit augmentée en nous. Pour la nourrir donc, pour la fortifier et l’accroître, Dieu nous donne les sacrements. Ce que saint Paul dénote, en disant que l’usage d’iceux est de sceller les promesses de Dieu en nos coeurs (Romains 4.11).
Imperfection des enfants de Dieu
- M : Mais n’est-ce pas signe d’infidélité quand les promesses de Dieu ne nous sont pas assez fermes d’elles-mêmes, sans aide ?
E : C’est signe de petitesse et infirmité de foi, laquelle est bien aux enfants de Dieu, qui ne laissent pas pourtant d’être fidèles, mais ce n’est pas encore en perfection. Car cependant que nous vivons en ce monde, il y a toujours quelques reliques de défiance en notre chair, et pourtant nous faut-il toujours profiter et croître.
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Section XLVIII
Du nombre des sacrements
- M : Combien y a-t-il de sacrements en l’Église chrétienne ?
E : Il n’y en a que deux communs que le Seigneur Jésus ait institués pour toute la compagnie des fidèles.
Le baptême et la cène
- M : Quels ?
E : A savoir le baptême et la sainte cène.
Du baptême
- M : Quelle convenance et différence y a-t-il de l’un à l’autre ?
E : Le baptême nous est comme une entrée en l’Église de Dieu, car il nous testifie que Dieu, au lieu que nous étions étrangers de lui, nous reçoit pour ses domestiques. La cène nous est témoignage que Dieu nous veut nourrir et repaître, comme un bon père de famille a le soin de nourrir et réfectionner ceux de sa maison.
Signification du baptême
- M : Pour avoir plus claire intelligence de l’un et l’autre, disons de chacun à part. Premièrement, quelle est la signification du baptême ?
E : Elle a deux parties. Car le Seigneur nous y représente la rémission de nos péchés (Éphésiens 5.26-27), et puis notre régénération, ou renouvellement spirituel (Romains 6.4).
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Section XLIX
L’eau du baptême
- M : Quelle similitude a l’eau avec ces choses pour les représenter ?
E : Parce que la rémission des péchés est une espèce de lavement par lequel nos âmes sont purgées de leurs macules, ainsi que les ordures du corps sont nettoyées par l’eau.
L’eau, pourquoi est mise sur la tête
- M : Touchant l’autre partie ?
E : Parce que le commencement de notre régénération est que notre nature soit mortifiée, l’issue [est] que nous soyons nouvelles créatures par l’Esprit de Dieu. L’eau donc nous est mise sur la tête en signe de mort, toutefois en telle sorte que la résurrection nous est semblablement figurée, en ce que cela se fait seulement pour une minute de temps et non pas pour nous noyer en l’eau.
Le sang de Christ est notre lavement, non l’eau
- M : Tu n’entends pas que l’eau soit le lavement de nos âmes ?
E : Non pas. Car cela appartient au sang de Jésus-Christ seulement, qui a été répandu pour effacer toutes nos souillures et nous rendre purs et impollus devant Dieu (1 Jean 1.7 ; 1 Pierre 1.19). Ce qui est accompli en nous quand nos consciences en sont arrosées par le Saint-Esprit. Mais par le sacrement cela nous est certifié.
Vérité jointe avec la figure
- M : Entends-tu que l’eau nous en soit seulement une figure ?
E : C’est tellement figure que la vérité est conjointe avec. Car Dieu ne nous promet rien en vain. Par quoi il est certain qu’au baptême la rémission des péchés nous est offerte, et nous la recevons.
- M : Cette grâce est-elle accomplie indifféremment en tous ?
E : Non. Car plusieurs l’anéantissent par leur perversité. Néanmoins, si ne laisse pas le sacrement d’avoir telle nature, combien qu’il n’y ait que les fidèles qui en sentent l’efficace.
Régénération, d’où prend sa vertu
- M : La régénération, d’où prend-elle sa vertu ?
E : De la mort et résurrection de Christ. Car sa mort a cette vertu que par icelle notre vieil Adam est crucifié et notre nature vicieuse est comme ensevelie pour n’avoir plus vigueur de régner. Et la nouveauté de vie, pour suivre la justice de Dieu, procède de la résurrection.
- M : Comment cette grâce nous est-elle appliquée au baptême ?
E : En tant que nous sommes là vêtus de Jésus-Christ, et y recevons son Esprit, moyennant que nous ne nous rendions pas indignes des promesses qui nous y sont données.
De l’usage du baptême
- M : De notre côté, quel est le droit usage du baptême ?
E : Il gît en foi et en repentance. C’est que nous soyons certains d’avoir notre pureté spirituelle en Christ, et sentions en nous et déclarions à nos prochains par oeuvres que l’Esprit d’icelui habite en nous pour mortifier nos propres désirs, afin de nous faire suivre la volonté de Dieu.
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Section L
Du baptême des petits enfants
- M : Puisque cela y est requis, comment est-ce qu’on baptise les petits enfants ?
E : Il n’est pas dit que la foi et la repentance doivent toujours précéder la réception du sacrement, mais seulement cela doit être en ceux qui en sont capables. Il suffit donc que les petits enfants produisent et démontrent le fruit de leur baptême après être venus en âge de connaissance.
- M : Comment montreras-tu qu’il n’y a point d’inconvénient en cela ?
E : Parce que la circoncision était aussi bien sacrement de pénitence, comme Moïse et les prophètes déclarent (Deutéronome 10.16 ; 30.6 ; Jérémie 4.4), et sacrement de foi, comme dit saint Paul (Romains 4.11-12). Et toutefois Dieu n’en a exclu les petits enfants.
Les promesses du peuple d’Israël sont étendues par tout le monde
- M : Mais pourras-tu bien montrer qu’il y ait une même raison de les recevoir au baptême comme à la circoncision ?
E : Oui bien. Car les promesses que Dieu avait anciennement faites à son peuple d’Israël sont maintenant étendues par tout le monde.
- M : Mais s’ensuit-il de cela que nous devions user du signe ?
E : Il est ainsi, quand le tout sera bien considéré. Car Jésus-Christ ne nous a pas faits participants de la grâce, qui avait auparavant été au peuple d’Israël, pour l’amoindrir en nous ou la rendre plus obscure qu’elle n’était, mais plutôt l’a éclaircie et augmentée davantage.
- M : Entends-tu que si nous ne donnions le baptême aux petits enfants, que la grâce de Dieu serait amoindrie par la venue du Seigneur Jésus ?
E : Oui bien. Car le signe de la bonté et miséricorde de Dieu sur nos enfants qu’ont eu les anciens nous défaudrait, lequel sert grandement à notre consolation et à confirmer la promesse qui a été faite dès le commencement.
- M : Tu entends donc, puisque Dieu, se déclarant anciennement être Sauveur des petits enfants, a voulu cette promesse être scellée en leur corps par sacrement extérieur, que c’est bien raison qu’il n’y ait pas moins de confirmation depuis la venue de Christ, vu que la même promesse demeure, et même est plus clairement testifiée de parole et ratifiée de fait.
E : Oui. Et davantage, puisque c’est chose notoire que la vertu et la substance du baptême appartient aux petits enfants, on leur ferait injure de leur dénier le signe qui est inférieur.
A quelle condition on baptise les enfants
- M : A quelle condition donc devons-nous baptiser les petits enfants ?
E : En signe et témoignage qu’ils sont héritiers de la bénédiction de Dieu, promise à la génération des fidèles, afin qu’étant venus en âge ils reconnaissent la vérité de leur baptême pour en faire leur profit.
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Section LI
De la cène
- M : Disons de la cène. Et premièrement, quelle est la signification d’icelle ?
E : Notre Seigneur l’a instituée pour nous assurer que par la communication de son corps et son sang nos âmes sont nourries en espérance de la vie éternelle.
Christ par le pain nous représente son corps et par le vin son sang.
- M : Pourquoi est-ce que le Seigneur, par le pain, nous représente son corps et par le vin, son sang ?
E : Pour signifier que telle propriété qu’a le pain envers nos corps, c’est de les repaître et sustenter en cette vie mortelle, aussi a son corps envers nos âmes, c’est de les nourrir et vivifier spirituellement. Pareillement, que comme le vin fortifie, réfectionne et réjouit l’homme selon le corps, aussi que son sang est notre joie, notre réfection et vertu spirituelle.
Fiance de notre salut, en quoi gît
- M : Entends-tu qu’il nous faille communiquer vraiment au corps et au sang du Seigneur ?
E : Je l’entends ainsi. Car puisque toute la fiance de notre salut gît en l’obéissance qu’il a rendue à Dieu son Père, en tant qu’elle nous est imputée, comme si elle était nôtre, il faut que nous le possédions. Vu que ses biens ne sont pas nôtres, sinon que premièrement il se donne à nous.
- M : Mais ne s’est-il pas donné à nous quand il s’est exposé à la mort pour nous réconcilier à Dieu son Père et nous délivrer de damnation ?
E : Si est bien. Mais il ne suffit pas de cela, sinon que nous le recevions, pour sentir en nous le fruit et l’efficace de sa mort et passion.
Comment nous recevons Jésus-Christ
- M : La manière de le recevoir est-ce point par foi ?
E : Oui. Non seulement en croyant qu’il est mort et ressuscité pour nous délivrer de la mort éternelle et nous acquérir la vie, mais aussi qu’il habite en nous et est conjoint avec nous en telle union que le chef avec ses membres, afin de nous faire participants de toutes ses grâces en vertu de cette conjonction.
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Section LII
- M : Cette communion ne se fait-elle sinon en la cène ?
E : Si fait bien. Car nous l’avons par la prédication de l’Évangile, comme dit saint Paul (1 Corinthiens 1.4-9), en tant que le Seigneur Jésus nous y promet que nous sommes os de ses os, chair de sa chair (Éphésiens 5.30), qu’il est le pain de vie qui est descendu du ciel pour nourrir nos âmes (Jean 6.51), que nous sommes un avec lui comme il est un avec son Père (Jean 17.21), et telles choses.
- M : Qu’est-ce que nous avons au sacrement davantage, et de quoi nous sert-il plus ?
E : C’est que cette communion est plus amplement confirmée en nous, et comme ratifiée. Car combien que Jésus-Christ nous soit vraiment communiqué et par le baptême et par l’Évangile, toutefois ce n’est qu’en partie, non pas pleinement.
Que c’est que nous avons par le signe du pain
- M : Qu’est-ce donc en somme que nous avons par le signe du pain ?
E : C’est que le corps du Seigneur Jésus, en tant qu’il a une fois été offert en sacrifice pour nous réconcilier à Dieu, nous est maintenant donné pour nous certifier que nous avons part en cette réconciliation.
Que c’est qu’avons par le signe du vin
- M : Qu’est-ce que nous avons au signe du vin ?
E : Que le Seigneur Jésus nous donne son sang à boire en tant qu’il l’a une fois épandu pour le prix et satisfaction de nos offenses, afin que nous ne doutions point d’en recevoir le fruit.
Que la cène n’est pas sacrifice
- M : Selon tes réponses, la cène nous renvoie à la mort et passion de Jésus-Christ afin que nous communiquions à la vertu d’icelle.
E : Voire. Car lors le sacrifice unique et perpétuel a été fait pour notre rédemption, pourquoi il ne reste plus, sinon que nous en ayons la jouissance.
Christ seul sacrificateur éternel
- M : La cène donc n’est pas instituée pour faire une oblation du corps de Jésus à Dieu son Père ?
E : Non. Car il n’y a que lui seul à qui appartienne cet office, en tant qu’il est Sacrificateur éternel (Hébreux 5.5). Mais il nous commande seulement de recevoir son corps, et non pas l’offrir (Matthieu 26.26).
Double signe pour notre infirmité
- M : Pourquoi est-ce qu’il y a double signe ?
E : Notre Seigneur l’a fait pour notre infirmité, afin de nous donner à connaître que non seulement il est viande à nos âmes, mais aussi breuvage, afin que nous cherchions en lui notre nourriture pleine et entière, et non ailleurs.
- M : Tous doivent-ils user indifféremment de ce second signe, à savoir du calice ?
E : Oui, selon le commandement de Jésus-Christ, contre lequel il n’est licite de rien attenter.
La vérité est avec la figure
- M : Avons-nous en la cène simplement le témoignage des choses dessus dites, ou si elles nous y sont vraiment données ?
E : En tant que Jésus-Christ est la vérité, il ne faut douter que les promesses qu’il fait à la cène n’y soient accomplies et que ce qu’il y figure n’y soit vérifié. Ainsi, selon qu’il le promet et représente, je ne doute pas qu’il ne nous fasse participants de sa propre substance pour nous unir avec soi en une vie.
Que nous recevons Jésus-Christ en la cène, et comment
- M : Mais comment cela se peut-il faire vu que le corps de Jésus-Christ est au ciel et nous sommes en ce pèlerinage terrien ?
E : C’est par la vertu incompréhensible de son Esprit, laquelle conjoint bien les choses séparées par distance de lieu.
Que c’est qu’il faut faire pour avoir la vérité du sacrement
- M : Tu n’entends pas donc que le corps soit enclos dedans le pain, ni le sang dedans le calice ?
E : Non. Mais au contraire, pour avoir la vérité du sacrement, il nous faut élever nos coeurs en haut au ciel, où est Jésus-Christ en la gloire de son Père, et d’où nous l’attendons en notre rédemption, et non pas le chercher en ces éléments corruptibles.
Arrhes de la résurrection
- M : Tu entends donc qu’il y a deux choses en ce sacrement : le pain matériel et le vin que nous voyons à l’oeil, touchons à la main et savourons au goût, et Jésus-Christ, dont nos âmes sont intérieurement nourries.
E : Voire. Et en telle sorte néanmoins que nous y avons même témoignage, et comme une arrhe, de la résurrection de nos corps, en tant qu’ils sont faits participants du signe de vie.
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Section LIV
- M : Quel en doit être l’usage ?
E : Tel que dit saint Paul, c’est que l’homme s’éprouve soi-même devant qu’en approcher (1 Corinthiens 11.28).
- M : En quoi se doit-il éprouver ?
E : A savoir, s’il est vrai membre de Jésus-Christ.
Signe si on est membre de Christ
- M : Par quels signes le pourra-t-il connaître ?
E : S’il a vraie foi et repentance, et s’il aime ses prochains en vraie charité et n’est point entaché de haine, ni rancune, ni division.
- M : Mais est-il requis d’avoir foi et charité parfaite ?
E : Il faut bien que l’une et l’autre soit entière et non feinte. Mais d’avoir une telle perfection, à laquelle il n’y ait que redire, cela ne se trouvera pas entre les hommes. Aussi la cène serait instituée en vain si nul n’était capable de la recevoir, sinon qu’il fût du tout parfait.
- M : L’imperfection donc ne nous empêche point d’en approcher ?
E : Mais au contraire, elle ne nous servirait de rien si nous n’étions imparfaits. Car c’est une aide et soulagement de notre infirmité.
- M : Ces deux sacrements ne servent-ils point à autre fin ?
E : Si font, d’autant que ce sont signes et marques de notre profession. C’est-à-dire que par iceux nous protestons que nous sommes du peuple de Dieu et faisons confession de notre chrétienté.
- M : Que faudrait-il donc juger d’un homme qui n’en voudrait point user ?
E : Il ne le faudrait tenir pour chrétien. Car en ce faisant, il ne se veut point confesser être tel, et quasi tacitement, il désavoue Jésus-Christ.
- M : Mais suffit-il de recevoir une fois l’un et l’autre ?
E : Le baptême n’est ordonné que pour une seule fois, et n’est pas licite de le réitérer. Mais il n’est pas ainsi de la cène. Pourquoi on reçoit une seule fois le baptême et la cène plusieurs fois
Pourquoi on reçoit une seule fois le baptême et la cène plusieurs fois
- M : La raison ?
E : Parce que par le baptême, Dieu nous introduit et reçoit en son Église. Après nous avoir reçus, il nous signifie par la cène qu’il nous veut continuellement nourrir.
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Section LV
A qui appartient de baptiser et administrer la cène
- M : A qui appartient-il tant de baptiser que d’administrer la cène ?
E : A ceux qui ont charge publique en l’Église d’enseigner. Car ce sont choses conjointes que de prêcher la Parole et distribuer les sacrements.
- M : N’y en a-t-il pas certaine probation ?
E : Oui bien. Car notre Seigneur donne spécialement la charge à ses apôtres de baptiser, comme de prêcher (Matthieu 28.19). Et touchant la cène, il commande que tous la fassions à son exemple. Or il avait fait office de ministre pour la donner aux autres.
La cène, à qui ne doit être baillée
- M : Mais les pasteurs qui sont dispensateurs des sacrements y doivent-ils admettre sans discrétion tous ceux qui s’y présentent ?
E : Touchant du baptême, parce qu’aujourd’hui on ne l’administre qu’à petits enfants, il n’est point métier de discerner. Mais de la cène, il faut bien que le ministre regarde de ne la bailler à un homme qu’on connaît en être du tout indigne.
- M : Pourquoi ?
E : Parce que ce serait polluer et déshonorer le sacrement.
Pourquoi Judas a été reçu à la cène
- M : Mais notre Seigneur y a bien reçu Judas, quelque méchant qu’il fût.
E : Son iniquité était encore cachée, et combien que notre Seigneur la connût, si n’était-elle pas notoire à tous.
- M : Que sera-ce donc des hypocrites ?
E : Le ministre ne les peut exclure comme indignes, mais doit attendre que le Seigneur ait révélé leur méchanceté.
- M : Et s’il en connaît quelques-uns indignes, ou qu’il en soit averti ?
E : Cela ne suffit point pour les exclure, sinon qu’il y ait approbation suffisante et jugement de l’Église.
- M : Il faut donc qu’il y ait quelque ordre et police sur cela ?
E : Voire, si l’Église est bien réglée. C’est qu’on députe personnages pour veiller sur les scandales qui pourraient être. Et qu’iceux, en l’autorité de l’Église, interdisent la communion à ceux qui n’en sont nullement capables, et auxquels on ne la peut donner sans déshonorer Dieu et scandaliser les fidèles.
Fin du catéchisme de Genève (de Jean Calvin)