Laurent Drelincourt

(1625-1680)

 

Livre premier - Sonnet 9

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Sur l’esprit malin

 

1                                 Nature, prête-moi tes plus noires couleurs,
2                                 Fournis, pour mon tableau, le sang d’une panthère,
3                                 Le venin d’un dragon, le fiel d’une vipère,
4                                 D’un crocodile, enfin, et l’écume et les pleurs.

5                                 Je veux peindre, aujourd’hui, l’artisan des malheurs,
6                                 Le lion, le serpent, le monstre sanguinaire,
7                                 Qui nous fit tous mortels, en tuant notre père,
8                                 Et par lui nous causa d’éternelles douleurs.

9                                 Il nous ouvrit la voie aux infernales flammes,
10                               Et ce bourreau cruel, et des corps et des âmes,
11                               Détruisit, d’un seul coup, le bonheur des humains.

12                               C’est à toi-même, ô Dieu ! que Satan fit l’outrage,
13                               L’homme est ta ressemblance, et l’œuvre de tes mains,
14                               Venge l’original, en sauvant son image.

 

Annotations de Drelincourt :

Ligne 5 : Le prince des démons, qui sont en si grand nombre que selon saint Jérôme, quand ils n’auraient que les corps des plus petits oiseaux, ils couvriraient le soleil.

Ligne 10 : On dit qu’il bat et qu’il meurtrit horriblement les sauvages. Les Chinois, et d’autres peuples d’Orient et d’Occident, l’adorent par la crainte qu’ils ont de sa cruauté. La haine qu’il porte à Dieu (dit saint Augustin) l’anime contre la pauvre créature humaine. Il tâche de venger sur l’image le tort qu’il croit avoir reçu de l’Original.

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